« La localité de Mamou en Guinée regorge d’un potentiel touristique inexploité », entretien avec Ibrahima Alpha Diallo, étudiant à Paris (deuxième partie)

« La localité de Mamou en Guinée regorge d’un potentiel touristique inexploité », entretien avec Ibrahima Alpha Diallo, étudiant à Paris (deuxième partie)

Ibrahima Alpha Diallo

L’état de développement de la ville de Mamou et ses défis

Mamou est une ville de la Guinée à 250 km au nord-est de la capitale Conakry. Elle a été créée en 1908. Au plan administratif, cette ville est le chef-lieu de la préfecture de Mamou et de la région de Mamou. L’état de développement de la localité est un peu à l’image de la Guinée en général : il y a un déficit d’infrastructures.

Pourtant Mamou est une ville carrefour, c’est presque un passage obligé pour bon nombre de Guinéens. Lorsque vous voulez vous rendre à Labé, à Nzérékoré ou à Siguiri, vous devez d’abord passer par Mamou. Les routes sont étroites et la circulation est encombrée très rapidement.

Mamou est une ville carrefour, c’est presque un passage obligé pour bon nombre de Guinéens

Un autre constat est que Mamou a une économie peu dynamique. Pour une ville carrefour, il y a très peu d’activités commerciales, qui sont généralement dans l’informel. En termes d’insertion professionnelle, le chômage prédomine à l’image du pays. Il y a aussi une faible quantité d’infrastructures sanitaires. Pour 88 670 habitants en 2016 selon le recensement général de la population, Mamou compte un seul hôpital administratif et un autre hôpital géré par des Américains à environ 15 km.

La position stratégique de cette ville devrait susciter des investissements de la part de l’État et une décentralisation des activités généralement concentrées à Conakry. Les habitants de Nzérékoré qui doivent parcourir plus de 250 km pour se rendre à Conakry pour les activités pourraient le faire à Mamou, si le cadre s’y prête.

Mamou est une ville à majorité rurale qui pratique beaucoup l’agriculture, mais qui malheureusement n’est pas assez développée. Les agriculteurs font de l’autoconsommation pourtant c’est une région dotée d’une terre fertile. Des produits tels que le fonio, le maïs, le piment, la pomme de terre y sont majoritairement cultivés. Il faudrait à mon avis privilégier le développement par le bas. Il faut élaborer, au sein des villes, les activités à mettre en place et essayer d’accompagner les acteurs économiques, en collaboration avec l’administration locale (la mairie, le gouvernorat…).

La localité regorge d’un potentiel touristique inexploité. Mamou est une région administrative et en la cumulant aux villes de Pita et Dalaba, nous obtiendrons une zone favorable au tourisme. Dalaba possède un climat favorable, des montagnes, des chutes, de même que Pita et Mamou. Ces lieux peuvent être aménagés pour développer économiquement la région. Faire parler les faits historiques de cette région et les faire découvrir aux jeunes, en plus des autres activités, le commerce, l’entrepreneuriat, l’agriculture, l’élevage à développer.

Mamou et le trafic de bois entre la Guinée et la Sierra Leone

Le trafic de bois a des conséquences au plan environnemental et au plan économique. Du point de vue environnemental, à ce rythme, nous risquons de ne plus avoir des forêts. Mamou se trouve dans le Fouta où le climat est tropical et ordinairement entre novembre et février, il y a l’harmattan. Mais ces dernières années, le climat commence à devenir de plus en plus chaud. Et ceci est dû à la déforestation.

Au plan économique, ce trafic ne profite pas à la population locale ni au pays. Il semblerait même que ce soient les administrateurs locaux de connivence avec les trafiquants qui nourrissent ce trafic de bois. L’État doit, au-delà des efforts menés, décourager ce trafic, car chaque année des trafiquants sont arrêtés, pourtant cette activité illicite perdure dans cette région proche de la Sierra Leone.

Hormis ce trafic de bois, les populations de la région utilisent ces bois pour leurs activités (confection de meubles, habitat, etc.) sans règlementation

En outre, un plan de reboisement doit être élaboré et mis en exécution. Hormis ce trafic de bois, les populations de la région utilisent ces bois pour leurs activités (confection de meubles, habitat, etc.) sans règlementation. Il faut la mise en place d’une politique efficace et un mécanisme de surveillance des activités d’exploitation du bois dans la localité.

Il faut certes sensibiliser les populations mais aussi les administrateurs locaux sur les dangers climatiques que représente la déforestation, et sur l’intérêt économique de préserver les arbres. L’État peut essayer de s’impliquer davantage et trouver des solutions pour recadrer le secteur d’activité d’exploitation de bois afin que les populations de Mamou et les Guinéens en général puissent en tirer profit.

L’engagement de la diaspora pour la localité de Mamou

Il y a une association en France qui œuvre beaucoup pour la localité de Mamou. Personnellement,  je travaille sur des initiatives, dont l’une consiste à mettre en place une coordination de tous les ressortissants, qu’ils soient à l’extérieur ou en Guinée, y compris ceux qui ne sont pas originaires de Mamou. Il s’agira de travailler ensemble pour développer la localité, en collaborant avec ceux qui vivent dans la localité.

Chaque année, il y a plusieurs associations de ressortissants de Mamou en France, aux États-Unis, au Canada, ou même dans certains pays africains qui organisent des activités ou financent des projets pour la localité. Les ressortissants de Mamou aux États-Unis ont par exemple ouvert une bibliothèque dans la localité. Toutefois, il faudrait une coordination et une harmonisation des projets (construction de centres de santé, d’écoles…) de ces associations pour avoir plus d’impact dans la région de Mamou.


Crédit photo : villedemamou.com

Ibrahima Alpha Diallo

 

Ibrahima Alpha Diallo est originaire de Mamou, une ville de la Guinée. Il est diplômé en Science politique à l’Université de Paris Nanterre.

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