Auteur : Gorée Institute
Type de publication: Article
Date de publication: 2017
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La République de Guinée est un pays d’Afrique de l’Ouest présidé par Alpha Condé depuis 2010. Premier Etat d’Afrique à proclamer son indépendance vis-à-vis de la France, le 2 octobre 1958, la Guinée a connu de longues périodes d’instabilités politiques, de dictatures et de coups d’Etat. Après sa rupture avec la puissance coloniale, entrainant un arrêt complet de l’aide et le départ des techniciens et fonctionnaires français dont le personnel médical et éducatif, la Guinée se tourne vers les puissances socialistes notamment la République populaire de Chine et l’Union soviétique. Le premier président, Sékou Touré, met alors en place sa version du « socialisme africain » qui se révèlera par la suite, peu favorable au développement du pays.
Aujourd’hui, au regard des indicateurs élaborés par différentes organisations internationales ou ONG, la Guinée est en retard sur les autres pays de la région dans de nombreux domaines. A titre d’exemple, le PNUD place le pays à la 182ème place sur 188 Etats avec un Indicateur de Développement Humain (IDH) de 0,411 en 2014 . De plus, l’Indice Ibrahim de la Gouvernance Africaine (IIAG) évaluant la bonne gouvernance, classe la Guinée 40ème sur 54 Etat et avant dernier dans la sous région devant la Guinée Bissau. En cause, la faiblesse de l’Etat qui ne parvient pas à assumer ses fonctions essentielles, ni à assurer la sécurité humaine de ses ressortissants.
Depuis 2015, l’on note une crise politique récurrente marquée par des manifestations à travers le pays. Ce blocage concerne en partie l’organisation des élections locales, qui n’ont pas été tenues depuis 12 ans, la réforme de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) et l’indemnisation des victimes des manifestations politiques
De son accession à l’indépendance jusqu’en 2010, la République de Guinée n’a connu que coups d’Etat et régimes autocratiques. Cependant, depuis le scrutin présidentiel de novembre 2010 marquant l’arrivée au pouvoir du professeur Alpha Condé, la vie politique s’est considérablement apaisée entrainant une baisse de la violence. L’élection présidentielle de 2015 a été jugée majoritairement libre et équitable par les observateurs internationaux malgré les contestations de l’opposition dénonçant des irrégularités dans le scrutin et des arrestations arbitraires d’opposants. Toutefois, cette période électorale a enregistré des cas de violences entre membres de partis d’opposition ainsi qu’avec les forces de sécurité qui auraient fait au moins 20 morts et des centaines de blessés.
Depuis 2015, l’on note une crise politique récurrente marquée par des manifestations à travers le pays. Ce blocage concerne en partie l’organisation des élections locales, qui n’ont pas été tenues depuis 12 ans, la réforme de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) et l’indemnisation des victimes des manifestations politiques. Le président de la République a voulu impulser une dynamique de sortie de crise en organisant le 22 septembre 2016 un dialogue politique national qui s’est clôturé, le 12 octobre, par la signature d’un accord entre les acteurs politiques de l’opposition, les représentants de la majorité présidentielle et la société civile. Les points essentiels de cet accord concernaient la révision du code électoral, la réforme structurelle de la CENI, le report des élections locales au mois de février 2017 ainsi que l’obtention de la justice pour les victimes des violences lors des manifestations politiques de 2013.
Certaines pratiques au sein du système judiciaire et des forces de défense et de sécurité (FDS) comme la corruption, le manque d’impartialité ou l’usage excessif de la force ont peu à peu délité la confiance des citoyens guinéens envers leur Etat
En revanche, une partie de la société civile et des partis d’opposition dont le Bloc Libéral, le PEDN et l’UGDD, se sont constitués en front d’opposition anti-accord, qualifiant le document de « dérive antidémocratique ». Ils dénoncent le point de l’accord concernant la désignation des membres des conseils de district et de quartier au prorata des résultats obtenus par la liste des candidats à l’élection communale. Cette politisation des districts et quartiers pourraient engendrer des contestations de la part des populations locales.
Ce front d’opposition n’est pas unifié et fait face à une crise interne suite à la rencontre entre Faya Millimono, président du Bloc Libéral et le Président Alpha Condé, sans consultation préalable des autres membres du front. Le dialogue politique reste donc en partie paralysé en Guinée et le manque de consensus sur le mode de scrutin risquerait d’entrainer un nouveau report des élections locales.
Certaines pratiques au sein du système judiciaire et des forces de défense et de sécurité (FDS) comme la corruption, le manque d’impartialité ou l’usage excessif de la force ont peu à peu délité la confiance des citoyens guinéens envers leur Etat. Selon le rapport mondial 2016 de l’organisation HumanRights Watch, les signalements d’atteintes aux droits humains commises par les forces de sécurité ont diminué depuis 2015.
En août 2016, la police aurait ouvert le feu sur la foule à l’occasion d’une marche pacifique organisée par l’opposition guinéenne, faisant un mort et plusieurs blessés
Cependant, ces dernières sont toujours impliquées dans des incidents mettant en cause leur comportement non-professionnel comme des recours excessifs à la force, un manque de neutralité politique, des vols et actes d’extorsions. Par exemple, lors de la période électorale de 2015, plusieurs cas de violences commis par des FDS ayant fait dix morts ont été rapportés. En août 2016, la police aurait ouvert le feu sur la foule à l’occasion d’une marche pacifique organisée par l’opposition guinéenne, faisant un mort et plusieurs blessés.
Toujours dans une faible mesure, les autorités guinéennes semblent toutefois davantage disposées à sanctionner les dérives des forces de sécurité. En 2015, dans le cadre de la procédure de réforme du service de la sécurité (RSS), le gouvernement a mis en place des tribunaux militaires et nommé des magistrats civils et militaires pour statuer sur les affaires criminelles et les délits majeurs de l’armée.
De plus, Le colonel Issa Camara et plusieurs de ses subordonnés ont été inculpés en novembre 2016 pour « coups et blessures, vols, pillages et incendies » perpétrés en juin sur des Guinéens accusés d’avoir fait caler leur convoi. En revanche, les dispositions du nouveau code pénal risquent de perpétuer la culture de l’impunité au sein des FDS. Il définit certains actes autorisés par la légitime défense et l’état de nécessité qui risquent d’être instrumentalisés pour justifier un recours excessif à la force et exonérer les FDS de toute responsabilité pénale.
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