Économie numérique pour l’Afrique (DE4A) : Etude diagnostique de la Guinée, Groupe de la Banque mondiale, 2020

Économie numérique pour l’Afrique (DE4A) : Etude diagnostique de la Guinée, Groupe de la Banque mondiale, 2020

Auteur : Groupe de la Banque mondiale

Type de publication : Rapport

Date de publication : 2020

Lien vers le document original

 

*Les Wathinotes sont des extraits de publications choisies par WATHI et conformes aux documents originaux. Les rapports utilisés pour l’élaboration des Wathinotes sont sélectionnés par WATHI compte tenu de leur pertinence par rapport au contexte du pays. Toutes les Wathinotes renvoient aux publications originales et intégrales qui ne sont pas hébergées par le site de WATHI, et sont destinées à promouvoir la lecture de ces documents, fruit du travail de recherche d’universitaires et d’experts.


Structure du marché et concurrence

Le secteur des télécommunications/TIC en Guinée est libéralisé et, à ce titre, divers marchés ont été mis en place, même si une réglementation asymétrique visant à protéger les petits opérateurs indépendants reste encore à élaborer. En 2017, le régulateur a publié une décision définissant les marchés appropriés qui comprennent, entre autres, les marchés de la communication mobile et de l’accès Internet à large bande nécessaires à la fourniture de services à large bande. Actuellement, trois opérateurs de téléphonie mobile, à savoir Orange, MTN et Cellcom et quatre fournisseurs d’accès Internet (FAI), à savoir Skyvision, ETI, VDC, MounaGroup et Afribone, sont actifs dans l’offre de services à large bande en Guinée. Le régulateur a également déterminé qu’Orange et MTN détenaient une puissance significative sur les marchés (PSM) de détail du mobile et de l’Internet à large bande. Cependant, les obligations spécifiques des opérateurs ayant une PSM n’ont pas été définies et aucune réglementation asymétrique visant à protéger les petits opérateurs et les prestataires de services n’a, en outre, été développée.

Le marché est hautement concentré, avec Orange en position d’acteur dominant. Comme en témoigne la structure de marché très concentrée (avec un Indice de Herfindahl-Hirschman de 4 488 au deuxième trimestre de 2019), le marché de l’Internet mobile à large bande a, ces dernières années, été dominé par Orange Guinée qui a bénéficié de l’appui financier et en expertise de sa maison mère, le Groupe Orange, via l’actionnaire direct Sonatel du Sénégal. Cette position lui a permis de s’approprier bien plus de la moitié des abonnés et plus du double du nombre de son plus proche rival, MTN. Les FAI détiennent une part de marché négligeable, ne représentant ensemble que 1 250 abonnés.

L’accessibilité physique et financière de l’Internet à large bande reste un problème critique qui étouffe le développement du secteur. La pénétration de l’Internet fixe à large bande en Guinée est très faible, à hauteur de 0,8 pour cent. Ce qui se situe bien en dessous de la moyenne mondiale d’environ 14,1 pour cent, et l’Internet à large bande reste un service principalement utilisé par les entreprises et l’administration publique et un petit nombre de ménages privilégiés. Dans ce contexte, grâce au développement rapide des appareils mobiles relativement abordables et à un solide taux de pénétration de la carte SIM de 105,6 pour cent en 2019 (contre 107 pour cent dans le monde), l’Internet mobile à large bande est devenu le moyen le plus courant pour les gens d’accéder à l’Internet.

Le marché est hautement concentré, avec Orange en position d’acteur dominant

Les prix élevés de l’Internet à large bande sont dus à certaines décisions de politique budgétaire que le pays gagnerait à réviser s’il veut atteindre l’objectif d’une couverture Internet à large bande universelle et abordable. En 2015-2016, le GdG [Gouvernement de la Guinée] a augmenté les taxes existantes (TVA, droits de licence et redevances sur les frais d’interconnexion) et introduit quatre autres taxes (sur l’accès aux réseaux téléphoniques, les appels téléphoniques, les SMS et les données).

Il en résulte qu’en général, le pays obtient de faibles scores aux principaux indices internationaux de l’infrastructure numérique. L’indice de connectivité Internet mobile 2019 de la GSMA57 place la Guinée au 32e rang sur 39 pays d’ASS analysés, avec un score très faible de 29 sur 100, soit bien en deçà des leaders du continent, tels que l’île Maurice, l’Afrique du Sud, le Ghana et le Kenya (scores de 65, 59, 51 et 50, respectivement) ainsi que des pairs de la sous-région, tels que le Bénin et le Togo (scores respectifs de 39 et 34).

Recommandations en rapport à l’infrastructure numérique et marche à suivre

  1. Assurer que tous les opérateurs mobiles satisfont à l’obligation de connectivité aux numéros d’urgence, lorsque des appels d’urgence sont passés par des abonnés à partir de tout opérateur de réseau mobile
  2. Durant les périodes de confinement, les opérateurs mobiles ajouteront automatiquement une recharge équivalant à 0,5 USD par abonné aux comptes prépayés qui ont expiré pour la communication de données d’urgence.
  3. Les opérateurs de télécommunications et les FAI procèderont à une augmentation significative de la capacité de bande passante de toutes les liaisons connectées aux écoles, aux universités et aux centres de santé.
  4. Les opérateurs mobiles mettront en place des centres de connectivité portables à travers le pays, dans les régions à forte densité démographique dépourvue de toute couverture pour permettre un accès plus large aux services de télécommunications et TIC.
  5. Les opérateurs mobiles ouvriront l’accès aux nouveaux abonnés en offrant des cartes SIM gratuites et des conditions d’enregistrement assouplies pendant cette période.
  6. Les opérateurs de télécommunications qui ont des capacités de réserve sur leur infrastructure dorsale doivent avoir l’obligation d’ouvrir l’accès et de partager ces capacités avec d’autres opérateurs qui en ont besoin pour élargir l’accès à leurs réseaux.
  7. Les opérateurs de téléphonie mobile ouvriront leur réseau pour fournir des services d’itinérance intérieur pour le service vocal aux abonnés d’autres opérateurs, au même prix (normal) en vue d’assurer un service vocal universel dans le pays pendant la crise

Constats de l’étude diagnostique : Situation actuelle des plateformes numériques en Guinée

La Guinée dispose d’un petit nombre de plateformes publiques numériques. Les plateformes gouvernementales les plus importantes établies dans le pays comprennent des systèmes administratifs dédiés à la gestion des finances publiques (GFP), tels que la paie, la gestion des ressources humaines de la fonction publique et la gestion du budget du gouvernement. Certains bailleurs de fonds, y compris la BM, l’USAID et l’ONU, ont aidé la Guinée à développer les bases de ses systèmes de gestion de la santé, en vue de renforcer sa réponse à l’épidémie d’Ebola de 2014- 2016, qui sont devenues essentielles à la réponse à la COVID-19.

La connectivité limitée des agences gouvernementales constitue une contrainte fondamentale à l’adoption des grandes plateformes publiques numériques en Guinée

Il n’en reste pas moins qu’à cause de contraintes de connectivité et de fragmentation institutionnelle, en grande partie, seuls quelques projets ont abouti, ce qui fait que l’ambition de la Guinée de devenir un modèle régional numérique reste encore à réaliser. La connectivité limitée des agences gouvernementales constitue une contrainte fondamentale à l’adoption des grandes plateformes publiques numériques en Guinée. En fait, une étude menée en 2013 par le Ministère de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation a révélé que seules 5 pour cent de l’administration publique disposaient d’un accès fiable à Internet.

Recommandations en rapport aux plateformes numériques et marche à suivre

  • Faire un inventaire des systèmes d’information, des bases de données et des registres existants.
  • Désigner une agence gouvernementale unique pour faire le suivi de la gestion des plateformes publiques et s’assurer qu’elles répondent aux normes de qualité, de sécurité et d’interopérabilité ; cela : (i) permettra d’améliorer la coordination entre les agences d’exécution ; (ii) contribuera à l’efficience de l’interopérabilité entre les plateformes publiques ; et (iii) aidera à éviter les chevauchements entre plateformes.
  • Assurer l’interopérabilité entre les plateformes d’identité unique de base et de registre social, y compris les plateformes de l’Agence nationale d’inclusion économique et sociale (ANIES) et du Fonds de développement social et de Solidarité (FDSS), qui par décret ont été placés à la direction des efforts de création d’un Registre Social Unifié.
  • Créer un portail qui centralise tous les services numériques existants avec un système de retour d’information des personnes. Peu d’initiatives numériques existent et elles sont fragmentées. Le GdG pourrait créer un portail numérique unique qui centralise les services numériques publics existants. Le catalogue de services pourrait être actualisé périodiquement et pourrait à terme permettre de suivre le nombre d’utilisateurs (en ligne et hors ligne), le coût des services par opération et la satisfaction des utilisateurs.
  • Développer une vision et des protocoles de protection des données et de gestion des données à l’échelle du gouvernement. Actuellement, la Guinée ne dispose d’aucun plan de gestion et d’échange de données entre les entités publiques. La faiblesse du nombre des parties prenantes et des projets peut être considérée comme une opportunité à saisir pour établir une base de collaboration solide et mettre en place des protocoles de gestion et d’échange de données. De plus, la Guinée pourrait élaborer des normes et des processus pour les Données ouvertes afin de garantir leur qualité et leur réutilisation.

Disponibilité des SFN [Services financiers numériques]

Le niveau d’accès aux services financiers formels en Guinée est l’un des plus bas en ASS. Parmi les adultes guinéens, seuls 23,5 pour cent déclarent avoir un compte auprès d’une institution financière formelle, ce qui constitue une augmentation par rapport aux 7 pour cent en 2014. Cependant, ce taux est considérablement inférieur à ceux des principaux pays de comparaison, tels que le Bénin, le Sénégal, le Togo qui déclarent respectivement 38,5 pour cent, 42,3 pour cent et 45,3 pour cent.

Contraintes au niveau des produits et du marché

Parmi la population, seuls 20,2 pour cent de la population recourent aux SFN pour effectuer ou recevoir des paiements. La prédominance du recours à l’argent en espèces est très visible au niveau gouvernemental mais aussi individuel. Même si l’émergence de la monnaie électronique contribue progressivement à réduire l’utilisation de l’argent en espèces dans certaines opérations, la numérisation massive de la Guinée reste à réaliser, en particulier dans les zones reculées. La mise en œuvre de la plateforme de commutateur numérique 119 devrait augmenter les transactions électroniques, en particulier les paiements marchands.

Parmi les adultes guinéens, seuls 23,5 pour cent déclarent avoir un compte auprès d’une institution financière formelle, ce qui constitue une augmentation par rapport aux 7 pour cent en 2014

La plupart des Guinéens optent pour l’épargne et le crédit dans l’informel. Les associations d’épargne et de crédit informelles jouent un rôle important en milieu rural, même si l’ampleur de leurs activités n’est pas connue. Ces associations, dont certaines sont appuyées par des ONG, existent principalement sous la forme de groupements d’individus, généralement des femmes.

Appui au niveau du marché

Mettre en œuvre et adopter les procédures de e-KYC pour l’intégration des clients. L’amélioration du cadre juridique actuel de la monnaie électronique ainsi que de la Loi de 2016 sur les transactions électroniques permettrait l’intégration de plusieurs centaines de milliers de clients sans identification.

Encourager les projets de partenariat entre IMF, banques, assureurs et EME visant à réaliser les interfaces et à opérer les adaptations nécessaires aux systèmes d’information pour intégrer les comptes. Pour ce faire, un forum d’innovation sur les avantages à tirer des SFN pourrait être organisé.

La prédominance du recours à l’argent en espèces est très visible au niveau gouvernemental mais aussi individuel

Promouvoir les marchés numériques pour les femmes travaillant dans les chaînes de valeur agricoles. Ces plateformes permettraient aux productrices de trouver des acheteurs pour leurs produits, de souscrire une micro-assurance et donc de tirer des avantages supplémentaires pour leur petite entreprise. Le marché pourrait être mis en place sous l’égide du Ministère de l’Agriculture avec l’appui de Mastercard en se basant sur l’expérience du Réseau d’exploitants agricoles de Mastercard.

Encourager les commerçants à accepter les SFN pour les paiements en magasin. Les commerçants doivent être incités à éduquer les consommateurs afin de stimuler l’acceptation des paiements numériques. La plupart des transactions de tous les jours ont lieu en magasin et en espèces, il est donc nécessaire de les transformer en SFN pour développer l’économie numérique. Ainsi la dépendance envers les espèces diminuera et l’argent pourra circuler par voie numérique

Situation actuelle du pilier de l’entrepreneuriat numérique

Malgré l’existence d’opportunités d’emploi des jeunes et de développement des MPME, la capacité globale de l’écosystème guinéen à appuyer les jeunes entreprises formelles nouvelles reste faible. La majeure partie du secteur privé guinéen est composée de MPME informelles opérant dans l’agriculture, le commerce ou les services, proposant de bas salaires (moins de 50 USD/mois) et caractérisées par un faible taux d’alphabétisation (25 pour cent) chez les employés. En plus de l’informalité élevée et du manque de professionnels qualifiés, le paysage des MPME est caractérisé par la faiblesse de l’accès aux services de développement d’entreprise et aux services financiers de qualité.

La majeure partie du secteur privé guinéen est composée de MPME informelles opérant dans l’agriculture, le commerce ou les services, proposant de bas salaires (moins de 50 USD/mois) et caractérisées par un faible taux d’alphabétisation (25 pour cent) chez les employés

Des exemples prometteurs de MPME numériques performantes ont émergé, en particulier dans le secteur des services, mais l’utilisation des technologies numériques par les entreprises traditionnelles reste faible. Un nombre relativement restreint de startups numériques exercent dans le secteur de l’achat et de la livraison de produits alimentaires et d’épicerie tels Magic, Speedeat et Allo224 qui livrent des produits alimentaires à Conakry.

Contraintes et opportunités pour l’entrepreneuriat et l’innovation numériques

Le secteur financier en Guinée est de taille modeste, ce qui limite la disponibilité de financement pour le secteur privé. Le secteur financier est constitué de 16 banques commerciales privées, 25 institutions de microfinance (IMF), 10 compagnies d’assurance, 42 bureaux de change et 33 prêteurs d’argent. Le secteur bancaire est presque exclusivement composé de filiales de groupes étrangers141. De plus, la faiblesse du niveau d’épargne intérieure et de l’accès au financement international (le financement de longue durée étant pratiquement indisponible) illustrent les difficultés à surmonter pour mobiliser des ressources financières à investir. L’épargne intérieure de la Guinée était de 12,9 pour cent en 2018, ce qui est considérablement inférieur à celles des pays de comparaison, tels que le Burkina Faso (19,5 pour cent), la Côte d’Ivoire (20,3 pour cent) et l’Ethiopie (24,1 pour cent).

« 30 pour cent des entreprises déclarent que l’accès au crédit est une contrainte majeure pour les entreprises en Guinée

Dans ce contexte de faible niveau d’intermédiation financière, la faiblesse de l’accès aux ressources financières constitue l’une des contraintes critiques réelles pesant sur les MPME en Guinée. Selon l’Enquête auprès des entreprises la plus récente (2016) menée par la Banque mondiale, 30 pour cent des entreprises déclarent que l’accès au crédit est une contrainte majeure pour les entreprises en Guinée.

En Guinée, le marché des consommateurs numériques est relativement restreint et dominé par la consommation Internet axée sur le divertissement. Les entrepreneurs numériques en Guinée, à part ceux qui ciblent les plateformes de réseaux sociaux, en particulier Facebook, ont du mal à trouver un marché pour leurs produits. En Guinée, 14 pour cent de la population sont des utilisateurs actifs de réseaux sociaux mobiles, 2 millions environ d’utilisateurs étant actifs sur Facebook, soit un public de 23 pour cent des adultes (âgés de 13 ans et plus), qui peuvent être atteints à travers des produits publicitaires.

En Guinée, le marché des consommateurs numériques est relativement restreint et dominé par la consommation Internet axée sur le divertissement. Les entrepreneurs numériques en Guinée, à part ceux qui ciblent les plateformes de réseaux sociaux, en particulier Facebook, ont du mal à trouver un marché pour leurs produits. En Guinée, 14 pour cent de la population sont des utilisateurs actifs de réseaux sociaux mobiles, 2 millions environ d’utilisateurs étant actifs sur Facebook, soit un public de 23 pour cent des adultes (âgés de 13 ans et plus), qui peuvent être atteints à travers des produits publicitaires.

Renforcer l’appui et les infrastructures de l’écosystème de l’entrepreneuriat numérique

Favoriser la collaboration entre les acteurs de l’écosystème, y compris les entrepreneurs, les pôles d’innovation, les universités, les grandes entreprises, les investisseurs et le Gouvernement.

Soutenir le développement de produits financiers pour les startups, notamment en développant un cadre juridique pour le capital-risque, les fonds d’investissement, les investisseurs providentiels et le financement participatif. Il est vital de combler le déficit de financement actuel et d’ouvrir des canaux de financement alternatifs pour améliorer le taux de survie des jeunes entreprises.

Rehausser la qualité de l’appui fourni aux entrepreneurs à travers le renforcement de leur capacité. Tel qu’il a été évoqué, la performance des incubateurs, et donc la performance des startups appuyées, est intrinsèquement liée à la qualité des services qu’ils fournissent. Une étude diagnostique de suivi des faiblesses, des opportunités et des lacunes pourrait être effectuée pour mieux comprendre le type d’appui, la qualité, l’adéquation et l’impact des services ainsi que la viabilité des modèles d’affaires.

Renforcer le cadre de suivi et évaluation (S&E) des pôles d’innovation et des autres programmes qui ciblent les entrepreneurs numériques en partenariat avec le secteur privé. L’écosystème d’appui au numérique est en pleine croissance en Guinée. Toutefois, l’impact et la performance des structures existantes sont peu connus. Les données sur la performance favoriseront la concurrence entre les pôles et amélioreront l’utilisation des ressources.

 

Commenter