Dans le cadre de l’initiative sur l’élection présidentielle en Guinée, WATHI est allé à la rencontre de Laye Souleymane Diallo, candidat Parti de la Liberté et du Progrès (PLP). Dans cet entretien, il évoque son parcours, son engagement politique et présente les mesures phares de son programme. *Entretien réalisé par Ramadan Diallo, consultant de WATHI sur le projet Élection en Guinée
Le parcours du candidat
Je suis âgé de 37 ans, je suis né en 1983, à Kankan (Haute Guinée). J’ai fait mes études primaires à l’école Groupe scolaire privée Hadja Aicha Bah de Kankan, puis le secondaire au Collège Gbessia Centre et au Lycée Aviation à Conakry. Après mon admission au baccalauréat, je suis parti poursuivre mes études supérieures au Centre universitaire de Labé où j’ai obtenu une Licence en Administration publique (Promotion 2010).
En 2010, suite à un manque de respect total de la part du pourvoyeur d’emplois en Guinée, j’ai quitté la Guinée pour la Guinée équatoriale où j’ai trouvé un emploi au sein du groupe d’entreprises Rangerbourg Corporation. J’ai occupé au sein du groupe des postes de responsabilité tels que celui de directeur de la sécurité, celui de directeur du bureau d’audits et directeur des services internes pendant plusieurs années. Suite à la fermeture du groupe, je suis parti m’installer à Dubaï.
A Dubaï, j’ai travaillé dans l’entreprise Speed Cargo comme agent comptoir et en même temps comme responsable du chargement au niveau du port. Marié à une Camerounaise et père de 4 enfants, j’ai créé en association avec mon épouse mes propres entreprises au Cameroun.
Qu’est-ce qui fonde cette ambition de vouloir être le président de la République de Guinée ?
Tout d’abord, j’aimerais dire que c’est le devoir moral et républicain qui m’a appelé. Aujourd’hui, les jeunes guinéens se retrouvent à l’écart de la gestion du pays et sont utilisés comme des cobayes par l’Etat. Ils ne sont utilisés que pendant les campagnes électorales et ont souvent été manipulés et brutalisés au gré des intérêts de cette classe politique vieillissante, à court de solutions concrètes.
J’ai décidé de me lancer dans la politique suite à cette frustration. La jeunesse a l’impérieux devoir de s’impliquer aujourd’hui et de prendre en main son destin, comme nous l’avions fait en septembre 1958. En tant que panafricain, c’est mon devoir de venir au secours de mes frères guinéens et de solliciter leurs suffrages pour relancer et voir renaître le changement en Guinée.
Quelles sont vos mesures phares dans le domaine de l’éducation, de la santé et de l’emploi des jeunes ?
Notre reforme au niveau de l’éducation, sera basée sur l’éducation professionnelle et technique. La Guinée doit se construire avec des techniciens et pas qu’avec des diplômés des universités qui sont souvent trop généralistes. Il faut former des cadres techniciens en mines, en agriculture et dans tous les domaines.
Il faut former, redynamiser et rendre opérationnels les jeunes guinéens pour le marché d’emploi. Au lieu de continuer, à importer les expatrier et à les payer plus cher nous devons faire le développement avec nos propres moyens, nos propres ressources matérielles et humaines. On doit utiliser ces jeunes qui sont aujourd’hui assis dans les cafés bars, dans les ghettos, au lieu de les mettre à l’écart.
Notre reforme au niveau de l’éducation, sera basée sur l’éducation professionnelle et technique. La Guinée doit se construire avec des techniciens et pas qu’avec des diplômés des universités qui sont souvent trop généralistes
Il faut mettre en valeur ces étudiants qui sont déversés sur le marché d’emploi chaque année. Nous allons former les techniciens et les ingénieurs qui bâtiront la Guinée en un chantier pour l’émergence à l’horizon 2030. Tous les lycées et collèges seront dotés en matériel informatique.
Nous allons recruter plus d’enseignants et bien les rémunérer. Nous construirons 5000 salles de classe en six ans pour pouvoir avoir au moins un ratio raisonnable de 50 élèves par salle de classe. Actuellement, nous étudions la faisabilité d’ouvrir une usine de montage de pièces détachées pour les ordinateurs portables à Coyah. Ces ordinateurs-là seront distribués à nos étudiants à moindre coût et ça créera des emplois, de la valeur ajoutée et des recettes fiscales.
Dans le domaine de l’emploi, il est important de souligner tout d’abord qu’une jeunesse bien formée répond forcement de manière adéquate aux besoins du marché de l’emploi du 21ème siècle. Nous comptons créer des emplois dans le domaine de l’agriculture en développant 20.000 hectares de rizières, de coton et de maïs, pour ne citer que cela.
Nous construirons 5000 salles de classe en six ans pour pouvoir avoir au moins un ratio raisonnable de 50 élèves par salle de classe
Ces cultures-là vont offrir des emplois directs à des ouvriers agricoles, des techniciens et des ingénieurs agronomes, car nous avons une école agronome à Faranah et Kindia. Selon les estimations de la BAD, les intrants agricoles peuvent créer de l’emploi à plus de 300.000 personnes.
Nous ne pouvons pas parler de développement de l’agriculture si le réseau routier n’est pas en bon état. En matière de réseau routier, pour faciliter la distribution de produits, il faut construire les pistes rurales et faire face à la distribution. Nous allons donc former des ingénieurs en ponts et chaussées et des ingénieurs d’engins.
Nous comptons créer des emplois dans le domaine de l’agriculture en développant 20.000 hectares de rizières, de coton et de maïs, pour ne citer que cela
Il se fera une rénovation de 4000 kilomètres de routes et de pistes rurales ainsi que la rénovation du réseau ferroviaire axe Conakry-Kankan. Nous allons installer la fibre optique et des câbles sous-marins sur des kilomètres et rénoverons 19 usines de transformation agro-industrielle léguées par le régime de Sékou Touré .
Nous allons aussi ouvrir deux banques à capitaux étatiques : le Crédit Agricole de Guinée Leucade, avec un lot de 33 microfinances affiliés dans les 33 préfectures et le Crédit foncier guinéenne (CFG). Ces deux banques vont faciliter l’accès au crédit aux producteurs agricoles et leur permettre de se développer et de développer leur localité.
Nous allons aussi ouvrir deux banques à capitaux étatiques : le Crédit Agricole de Guinée Leucade, avec un lot de 33 microfinances affiliés dans les 33 préfectures et le Crédit foncier guinéenne (CFG)
En matière de santé, nous allons faire un recrutement du personnel médical. Paradoxalement, nous manquons cruellement de médecins en Guinée même en ayant des universités. Nous allons rénover les hôpitaux dans les sous-préfectures et dans les districts qui ont des hôpitaux éloignés. Nous allons donner la gratuité des soins aux femmes enceintes qui accouchent par césarienne ou par voie normale, aux élèves, aux handicapés et aux personnes vulnérables.
Quelles seront les trois principales priorités de votre gouvernement dans les domaines de la gouvernance et des institutions ?
J’aimerais tout d’abord souligner que la gouvernance ne renvoie pas nécessairement à une entité unique et décisionnelle, mais plutôt à un système d’entités dans le strict respect des équilibres entre le pouvoir exécutif, législatif et judiciaire. Malheureusement, nous constatons qu’en Guinée le président a beaucoup de pouvoirs et déborde de ses pouvoirs.
Il est donc important de recadrer les pouvoirs du Président. Pour ce faire nous allons proposer la création d’une deuxième chambre parlementaire, le Sénat pour permettre l’équilibre des trois appareils étatiques, exécutif, législatif, judiciaire, comme le stipule notre loi fondamentale.
Nous allons aussi renforcer les capacités de la Cour suprême et la doter de moyens financiers et logistiques forts afin qu’elle puisse jouer pleinement son rôle d’arbitre indépendant et impartial et créer un poste de vice-président issu de l’opposition pour pouvoir apaiser la scène politique. La création du poste de vice-président issu de l’opposition se fera sur la base d’une décision amendable à l’Assemblée nationale ou par voie référendaire.
Il faut aussi noter que nous allons créer deux blocs politiques en Guinée : les démocrates et les républicains (le bipartisme). Tout parti politique sera dans l’obligation de s’affilier directement à un de ces blocs pour éviter les problèmes communautaires.
Il est donc important de recadrer les pouvoirs du Président. Pour ce faire nous allons proposer la création d’une deuxième chambre parlementaire, le Sénat pour permettre l’équilibre des trois appareils étatiques, exécutif, législatif, judiciaire, comme le stipule notre loi fondamentale
Quelle sera votre politique de décentralisation et de développement local ?
De manière simple et concrète, nous allons complètement décentraliser l’administration. Le gouvernement sera représenté dans chaque quartier, chaque collectivité locale et village. Les présidents des collectivités locales et les chefs de village doivent être des fonctions étatiques.
Au niveau des quartiers, nous donnerons plus de pouvoir, de financements et de prérogatives aux chefs de quartier, car la véritable administration commence par les quartiers
Pour ce faire nous allons convoquer les états généraux de l’administration pour pouvoir réviser d’abord ce qui a été fait et amender ce qui reste à faire pour pouvoir les mettre en application. Au niveau des quartiers, nous donnerons plus de pouvoir, de financements et de prérogatives aux chefs de quartier, car la véritable administration commence par les quartiers.
Nous allons confier des responsabilités aux chefs de quartier pour qu’ils puissent réparer les routes et prendre en charge les besoins des populations de leurs quartiers.
Quel regard portez-vous sur le contexte sécuritaire en Afrique et plus spécifiquement dans la région, et quelles solutions éventuelles vous préconisez pour dépasser les défis sécuritaires aujourd’hui en Afrique de l’Ouest ?
Selon le Conseil de sécurité du Bureau régional des Nations unies pour l’Afrique, la situation sécuritaire en Afrique reste préoccupante et alarmante depuis la déstabilisation de la Libye et de la mort de Mouhammar Khadafi. Le terrorisme est un véritable fléau dans la région, notamment dans la région sahélo saharienne et je déplore l’attitude de la France face à cette situation. Il est vrai que la France est un pays ami avec lequel nous avons ensemble un passé historique, mais dès que leurs intérêts diminuent dans certains pays, il crée toute sorte de problèmes dans ces pays.
J’aimerais souligner qu’actuellement, en Guinée nous n’avons pas de problème de terrorisme, mais mes priorités seront de lutter contre le blanchiment d’argent qui finance ces groupes criminels
Je me pose des questions sur la provenance des milices et de groupes criminels en RCA, en RDC, de Boko Haram et même d’Al-Shabab au Kenya. D’où viennent ils ? Qui les financent ? Qui leur donne des armes ? Quels sont leurs objectifs ? Il faut d’abord se poser ces questions. La France et d’autres puissances ont ils déjà lâché l’Afrique ? Veulent ils encore nous mettre dans le joug colonial ? Veulent – ils nous coloniser ? Que veulent ils ?
Il faut que l’Union africaine statue sur le sort de l’Afrique et prenne une décision en créant notre propre armée et la dotant des moyens efficaces pour lutter contre ces milices-là. Nous ne pouvons et ne devons plus continuer à faire venir les pays occidentaux (la France, les USA et la Russie) dans la résolution des problèmes africains. Il faut que mes pairs qui sont au pouvoir aujourd’hui puissent réfléchir réellement sur la question de libéralisation de l’Afrique.
J’aimerais souligner qu’actuellement, en Guinée nous n’avons pas de problème de terrorisme, mais mes priorités seront de lutter contre le blanchiment d’argent qui finance ces groupes criminels, de couper le cordon ombilical entre les puissances étrangères qui financent ces actions terroristes et de dresser un mémorandum contre la France et ses alliés, pour qu’ils nous disent réellement la nature de leur aide en matière sécuritaire. Nous allons aussi encourager le dialogue et la diplomatie, comme le font nos leaders de la CEDEAO pour résoudre les divergences.
Quelle est votre position sur la naissance de la nouvelle monnaie unique ECO ? Seriez-vous favorable à ce que la Guinée adhère justement à cette monnaie unique ?
Vouloir entrer dans l’ECO serait de la bêtise, trahir la mémoire de Sékou touré et insulter tout le peuple de Guinée. Je conseille fortement le président Alpha Condé à se retirer de ce processus. Je pense que les Guinéens préfèrent continuer avec la monnaie actuelle et se développer avec les moyens du bord. Il n’est pas question de rester dans le cadre purement révolutionnaire et fermé, mais ma position par rapport à l’adhésion à l’ECO est nette : la Guinée n’entrera jamais dans l’ECO si je suis élu président de la République.
Le Liberia, le Nigeria, le Ghana et la Sierra Leone ne font pas partie de l’Union économique et monétaire ouest-africaine. Pourquoi alors entrer dans l’ECO ? L’ECO, n’est que la photocopie originale du FCFA. L’ECO est une monnaie unique mort-née par le manque de confiance entre les pays anglophones et francophones.
Il n’est pas question de rester dans le cadre purement révolutionnaire et fermé, mais ma position par rapport à l’adhésion à l’ECO est nette : la Guinée n’entrera jamais dans l’ECO si je suis élu président de la République
Observez vous-même la France dans 20 ou 30 ans sombrera économiquement et l’économie du Nigeria tout seul sera supérieure à celle de la France. Pourquoi le Nigeria s’allierait à la France et à l’ECO ? Nous devons en Guinée nous inspirer de la politique monétaire du Nigeria pour pouvoir donner de la valeur et rendre notre monnaie plus forte.
La France n’a jamais accepté jusqu’à présent que la Guinée ait dit non à leur domination économique alors il essaye maintenant de nous conquérir avec une photocopie du FCFA déguisé avec le nom d’ECO. La Guinée doit produire, importer et exporter pour revaloriser sa propre monnaie.
Nous devons en Guinée nous inspirer de la politique monétaire du Nigeria pour pouvoir donner de la valeur et rendre notre monnaie plus forte
S’il le faut vraiment nous étudierons l’offre de l’UEMOA avec nos experts monétaires et soumettrons à l’appréciation de l’Assemblée nationale ou à un referendum la question de l’ECO, mais je reste prudent et ferme sur ma position, car cette monnaie peut être très dangereuse pour les pays qui vont y adhérer.
Quelle sera votre politique de promotion en matière de participation des femmes et des jeunes ?
Les jeunes et les femmes seront des priorités dans mon administration. Nous allons impulser un recrutement et un rajeunissement de toute l’administration. Il faut rajeunir complètement l’administration et imposer le respect de la parité homme-femme à 30 % comme le stipule le nouveau projet de Constitution promulguée le 14 avril 2015.
Nous comptons atteindre provisoirement les 50 % comme le Sénégal dans les 10 prochaines années. Les femmes guinéennes sont des femmes battantes, nous devons les aider et les épauler à travers les microfinances, les groupements financiers et les crédits. C’est pour cela que nous allons créer beaucoup de de structures de microfinances pour pouvoir soutenir les actions des femmes et les jeunes.
Les jeunes et les femmes seront des priorités dans mon administration. Nous allons impulser un recrutement et un rajeunissement de toute l’administration
Les jeunes seront dans les 50 % pour ne pas dire les 60 %. Les vieux qui sont déjà à la retraite seront des conseillers dans les ministères ou conseillers au Sénat pour nous orienter.
Quel engagement prenez-vous pour un processus électoral apaisé ?
Nous sommes membres de la coordination des jeunes pour la non-violence. La violence ne nous enmenera nulle part donc j’appelle le peuple à aller voter massivement PLP et non à aller jeter des pierres aux policiers. Si nous voulons changer la Guinée, c’est dans les urnes, pas dans la rue. J’appelle à l’apaisement. Battons Alpha Condé dans les urnes et non dans la rue.
Si nous voulons changer la Guinée, c’est dans les urnes, pas dans la rue. J’appelle à l’apaisement. Battons Alpha Condé dans les urnes et non dans la rue
Nous sommes des jeunes pacifistes faisant de la politique pour aider le pays, non pour manger le pays.
Un mot de fin
Je dirai tout simplement à tout le peuple de Guinée d’aller voter massivement le 18 octobre pour le PLP. C’est l’avenir de ce pays. Nous avons osé comme Sékou Touré avait osé, il faut que nous soyons soutenus par le peuple. Ça va être difficile, très difficile pour nous, mais on s’accroche. J’appelle tout le peuple, tous les jeunes, de penser à l’avenir et nous faire confiance. Je serai le président qui rassemblera tout le peuple de Guinée.
Crédit photo : conseilafricaindesmedias.com
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