Les enjeux de la sécurité humaine en République de Guinée, Gorée Institute, mars 2017

Les enjeux de la sécurité humaine en République de Guinée, Gorée Institute, mars 2017

Auteurs : Koassi Akakpo

Organisation Affiliée : Gorée Institute

Type de publication : Article

Date de publication : Mars 2017

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La République de Guinée est un pays d’Afrique de l’Ouest présidé par Alpha Condé depuis 2010. Premier Etat d’Afrique à proclamer son indépendance vis-à-vis de la France, le 2 octobre 1958, la Guinée a connu de longues périodes d’instabilités politiques, de dictatures et de coups d’Etat.

Après sa rupture avec la puissance coloniale, entrainant un arrêt complet de l’aide et le départ des techniciens et fonctionnaires français dont le personnel médical et éducatif, la Guinée se tourne vers les puissances socialistes notamment la République populaire de Chine et l’Union soviétique. Le premier président, Sékou Touré, met alors en place sa version du « socialisme africain » qui se révèlera par la suite, peu favorable au développement du pays.

La Guinée présente pourtant un très grand potentiel en ce qui concerne l’agriculture, l’élevage, la pêche et les ressources minières. En effet, le pays possède un tiers des réserves mondiales de bauxite ainsi que des gisements de fer, d’or, de diamants, d’uranium et de pétrole encore largement inexploités

La sécurité humaine est un concept qui transcende la dimension militaire de la sécurité en incluant des préoccupations économiques, alimentaires, sanitaires, politiques, personnelles, communautaires et environnementales. En Guinée Conakry, la mauvaise gouvernance économique et le manque d’infrastructures de base notamment concernant le transport, le logement, la santé ou l’éducation freinent le développement du pays et réduisent grandement la qualité de vie de la population.

Une gestion des ressources désavantageuse pour la population

L’économie guinéenne a été fragilisée par des années de mauvaise gouvernance et la situation s’est récemment aggravée en raison de l’épidémie du virus Ebola. Si elle se remet progressivement de la crise sanitaire, l’économie reste instable et structurellement dépendante du secteur minier et de l’agriculture. Les politiques mises en place en Guinée pour dynamiser l’économie et améliorer le bien-être de la population n’ont pas eu les effets escomptés et ont au contraire augmenté les inégalités sociales.

La Guinée présente pourtant un très grand potentiel en ce qui concerne l’agriculture, l’élevage, la pêche et les ressources minières. En effet, le pays possède un tiers des réserves mondiales de bauxite ainsi que des gisements de fer, d’or, de diamants, d’uranium et de pétrole encore largement inexploités.

Les ressources dont bénéficie la Guinée pourraient aider la population à sortir de la pauvreté, cependant la gestion actuelle ne le permet pas. Au contraire, elle entraine des répercussions néfastes sur les vies des populations comme les spoliations de terres, la dégradation de l’environnement ou encore l’exploitation des enfants. En outre, La corruption freine le développement économique du pays et contribue à discréditer les dirigeants guinéens.

 Une insécurité favorisée par l’enclavement des populations

En raison de l’enclavement des populations, leur sécurité alimentaire et la prospérité de leurs activités économiques se retrouvent menacés. Selon une étude du Programme Alimentaire Mondial  (PAM), l’un des facteurs les plus déterminants de l’insécurité alimentaire en Guinée est l’enclavement. Celui-ci résulte du manque de structures permettant aux communautés de lutter contre l’isolement comme le transport et la communication.

Certaines communautés se situent à deux heures de marche du marché le plus proche et de nombreux villages se retrouvent totalement isolés durant la période de juin à octobre en raison des fortes pluies. L’accès à la santé des habitants est également entravé en raison de la faible couverture téléphonique et de la défectuosité du réseau routier rendant l’évacuation des malades et l’acheminement de médicaments difficiles.

L’urbanisation massive résultant à la fois de l’exode rural et de l’accroissement naturel de la population pose un autre problème majeur. L’accès à un logement décent constitue un vrai challenge pour les Guinéens surtout à Conakry. Le manque de disponibilité de sites d’hébergement dans les centres urbains entraine une surpopulation dans les habitations et dégrade la qualité de la vie des Guinéens.

  Une carence des infrastructures sanitaires

Les infrastructures de santé sont en nombre insuffisant surtout en milieu rural et les installations existantes sont vétustes. Selon une enquête de l’UNICEF, certaines localités enclavées se trouvent à plus de 10 kilomètres du poste de santé le plus proche. La Guinée souffre d’une pénurie de personnel qualifié dont environ 70% est concentré dans la capitale. L’accessibilité aux médicaments est faible en raison de leur disponibilité et surtout de leur coût.

L’insuffisance des infrastructures d’assainissement en ce qui concerne l’évacuation des eaux de pluies, des eaux usées et exécras contribue à la dégradation de l’environnement favorisant l’émergence de maladies.

Un dialogue politique paralysé

Le président de la République a voulu impulser une dynamique de sortie de crise en organisant le 22 septembre 2016 un dialogue politique national qui s’est clôturé, le 12 octobre, par la signature d’un accord entre les acteurs politiques de l’opposition, les représentants de la majorité présidentielle et la société civile. Les points essentiels de cet accord concernaient la révision du code électoral, la réforme structurelle de la CENI, le report des élections locales au mois de février 2017 ainsi que l’obtention de la justice pour les victimes des violences lors des manifestations politiques de 2013.

En raison de l’enclavement des populations, leur sécurité alimentaire et la prospérité de leurs activités économiques se retrouvent menacés. Selon une étude du Programme Alimentaire Mondial  (PAM), l’un des facteurs les plus déterminants de l’insécurité alimentaire en Guinée est l’enclavement. Celui-ci résulte du manque de structures permettant aux communautés de lutter contre l’isolement comme le transport et la communication

Ce front d’opposition n’est pas unifié et fait face à une crise interne suite à la rencontre entre Faya Millimono, président du Bloc Libéral et le Président Alpha Condé, sans consultation préalable des autres membres du front. Le dialogue politique reste donc en partie paralysé en Guinée et le manque de consensus sur le mode de scrutin risquerait d’entrainer un nouveau report des élections locales.

Les failles du système judiciaire et des forces de sécurité

Des progrès ont été entrepris par le ministère de la Justice pour renforcer l’indépendance, l’impartialité et l’efficacité du secteur judiciaire mais des inquiétudes demeurent. En 2015, un plan de réforme de la justice 2015-2019 a été adopté et des mesures ont été prises pour l’amélioration des conditions de travail des juges, la mise en conformité du Code pénal et du Code de la justice militaire avec les normes internationales et une amélioration de la gestion des dossiers.

La mauvaise insertion des jeunes et les influences sous régionales : la recette de la violence ?

Parmi les causes invoquées pour expliquer le chômage des jeunes se trouvent la pression démographique et l’inadéquation du système de formation et des compétences par rapport aux besoins de l’économie. Par exemple, le secteur primaire agricole et les activités informelles représentent la majorité du marché de l’emploi. Cependant, le secteur informel se caractérise par une précarité, des conditions générales de travail difficiles et de faibles revenus.

Le fait d’avoir une population majoritairement jeune représente un réel atout pour le développement d’un pays à condition que celle-ci soit bien outillée et considérée par l’Etat. Dans le cas contraire, elle peut constituer un danger pour la paix et la sécurité nationale. Le désœuvrement des jeunes risque de les entrainer dans la violence et les rendre plus facilement influençables notamment par les discours identitaires.

Selon Sanoussy Bantama Sow, ancien Ministre de la jeunesse, de l’emploi jeunes et des sports, la hausse de la criminalité en Guinée est liée au chômage et au sous-emploi des jeunes. Le sentiment d’insécurité tient une place importante dans les préoccupations des Guinéens. Il est dû, selon Le Ministre de la Sécurité et de la Protection civile, Me Abdoul Kabèlè Camara à une « surmédiatisation de l’insécurité ».

Scenario 1 : Le dialogue politique reste paralysé et les tensions s’exacerbent

L’opposition et le pouvoir ne parviennent pas à se mettre d’accord. Les tensions sont exacerbées par la polémique naissante au sujet de la possible volonté du président de briguer un troisième mandat. Cette situation entraine un nouveau report des élections à une date indéterminée ce qui pousse l’opposition à inciter les citoyens à descendre dans les rues. Les manifestations enregistrent des violences entre partisans et avec les forces de l’ordre.

Scenario 2 : L’opposition et le pouvoir arrivent à un consensus

Les acteurs politiques parviennent à un consensus autour du code électoral qui est adopté en session extraordinaire de l’assemblée nationale. En raison des délais d’organisation des élections (découpage électoral, etc.), ces dernières sont de nouveau décalées. Les élections peuvent se tenir avec un retard « acceptable » et sans débordements importants.

Recommandations

L’insécurité humaine en Guinée est surtout liée au manque de capacité de l’Etat à assurer ses fonctions essentielles notamment en termes d’éducation, de santé, d’emploi et de partage des ressources. Si bien que les citoyens guinéens ressentent la présence de l’Etat principalement à travers ses moyens de répression. Les deux dernières années ont laissé entrevoir des progrès au niveau du renforcement de l’Etat de droit notamment à travers la réforme des institutions et le processus de RSS qui ont été entrepris.

 

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