Auteur: David A. Rice
Organisation affilée: Development Dividend Project, New York University
Type de publication: Rapport
Date de publication: Octobre 2015
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L’économie de la Guinée est anémique et ne semble aucunement en mesure de générer une croissance importante à court ou à moyen terme. Fondamentalement, l’économie est insuffisamment diversifiée, à faible valeur ajoutée, et sa productivité est hétérogène. La politique du gouvernement a peu fait pour faciliter la croissance, les dépenses publiques étant largement supérieures aux recettes de l’État, de sorte que la dette nationale s’alourdit, ce qui conduit à la dévaluation de la monnaie et au creusement du déficit du compte courant. L’épidémie d’Ebola a sans nul doute eu un effet dévastateur sur l’économie, mais l’aide financière internationale importante a contribué à sa stabilisation, en particulier par l’établissement d’une nouvelle facilité de crédit élargie par l’intermédiaire du FMI.
Les faiblesses fondamentales de l’économie guinéenne étaient apparentes avant l’épidémie d’Ebola, et même s’il s’agit sans aucun doute d’un facteur de ralentissement, ce n’est pas la cause fondamentale de l’échec économique du pays. Les politiques délibérément délétères du gouvernement actuel, en particulier les expropriations forcées, le trafic d’influence dans l’attribution de marchés, un examen malavisé des licences d’exploitation minière, et son hostilité à l’investissement étranger, expliquent dans une large mesure la misère économique actuelle. Les problèmes fondamentaux actuels de l’économie sont entre autres une diversification insuffisante, un besoin de développement des infrastructures à une très grande échelle, et une économie politique qui présente des risques importants pour le secteur privé et les investisseurs étrangers, et s’accompagne d’une réduction des dépenses et des entrées de capitaux.
Parmi les défis essentiels, on compte :
- La diversification. Le secteur privé est relativement faible en Guinée, de sorte que le secteur public reste le principal moteur de l’activité économique. La majorité de la population travaille dans le secteur informel. Ainsi, il est difficile de déterminer de manière satisfaisante les types de politiques et autres interventions qu’il convient de mettre en œuvre pour favoriser une croissance économique durable. Le secteur privé qui existe dans le pays est dominé par des entreprises étrangères, et essentiellement limité au secteur de l’exploitation minière et à une industrie tributaire du secteur minier qui reste largement sous-développée en raison de la mauvaise gestion et des expropriations de l’État, à l’origine de différends portant sur les droits d’exploitation minière. Les autres secteurs, tels que l’agriculture, le secteur manufacturier, la pêche, la sylviculture et les industries de consommation constituent une partie marginale de l’économie. La stabilité et la durabilité de l’économie guinéenne sont donc très vulnérables aux chocs extérieurs et aux fluctuations des cours mondiaux des matières premières.
- Les infrastructures. Les ressources naturelles dont est dotée la Guinée ne peuvent pas être efficacement mises en valeur, encore moins pleinement exploitées, sans un investissement important au niveau des infrastructures de transport. Des milliards de dollars d’investissement dans les infrastructures ferroviaires, routières, portuaires, et dans les ponts sont indispensables pour que le pays soit en mesure de tirer parti de ses atouts miniers et d’établir d’autres secteurs clés tels que l’agriculture et l’industrie agro-alimentaire. De même, pour progresser graduellement dans la chaîne de valeur de secteurs stratégiques comme l’exploitation minière, qui présente un potentiel de création d’un large éventail de secteurs en aval, en particulier dans le domaine de la fabrication, un effort plus concerté d’implantation d’un réseau de production et de distribution d’électricité fiable est indispensable.
- L’incertitude. Dans une économie centralisée dans laquelle l’État est le principal employeur et acheteur de biens et de services, et dans laquelle il occupe une place particulièrement cruciale dans la prise de l’ensemble des grandes décisions économiques, on ne peut exagérer l’importance du rôle de l’État. Lorsque les économies sont contrôlées de cette façon, comme c’est le cas de la Guinée, le secteur privé et la communauté des investisseurs (étrangers et nationaux) sont réticents à prendre des risques, ce qui se traduit souvent par le report, voire l’annulation de décisions d’investissement de moyenne et grande envergure en raison de l’incertitude inhérente à ces économies. En Guinée, le Bureau du Président est profondément impliqué dans la prise de décision, et le bilan du gouvernement actuel ne contribue pas à rassurer les investisseurs quant à la stabilité à long terme. Pris ensemble, ce problème structurel, les manifestations récentes qui ont dégénéré en violences, l’agitation politique générale, et l’approche des prochaines élections nationales, forment un cocktail explosif de facteurs de risque qui nuisent aux perspectives économiques du pays.
- Faible croissance. La planification et la gestion économiques sont des activités potentiellement complexes. Plus l’économie est avancée, plus elle est intégrée au niveau mondial, et plus l’activité économique du pays repose sur la valeur ajoutée, plus il est difficile pour l’État de déterminer les politiques appropriées pour guider le pays vers une croissance soutenue et inclusive. Dans le cas de la Guinée, par rapport aux autres économies du monde et même comparée à celles d’Afrique, la gestion de l’économie à ce stade du développement du pays est relativement simple. La Guinée est très richement dotée en matière de ressources naturelles comme en témoigne la mine de Simandou, qui abrite les plus grandes réserves prouvées de bauxite, un produit de base qui fait partie des matières premières utilisées par la quasi-totalité des secteurs économiques et industriels dans le monde entier. Pourtant, en raison de l’incurie de son gouvernement, le peuple de Guinée n’a pas encore tiré profit de la richesse qui se trouve sous ses pieds. De plus, les conflits inévitables qui se poursuivent autour de la mine de Simandou à la suite des expropriations menées par l’État, des poursuites judiciaires, des allégations de corruption, et des paiements à coup de millions de dollars par le secteur minier (surtout Rio Tinto), détournent l’attention de l’État qui ne peut investir dans d’autres secteurs cruciaux et potentiellement productifs de l’économie qui affectent la vie des citoyens moyens, en particulier dans le secteur agricole et agro-alimentaire.
L’économie guinéenne a été fortement affaiblie par l’épidémie du virus Ebola en 2014 et l’économie dans son ensemble a enregistré un recul de 0,3 %. Toutefois, même si cette situation a fortement éprouvé le pays, elle n’aura d’effets qu’à relativement court terme. Alors que l’épidémie est pratiquement éradiquée, et grâce à un afflux considérable d’aide financière étrangère, l’économie devrait se rétablir de manière générale.
Les problèmes fondamentaux sous-jacents n’ont toutefois pas encore été résolus et l’économie devrait enregistrer à nouveau une croissance négative de 1,1 %. En particulier, la mine de Simandou fait encore l’objet d’un litige et reste inexploitée, d’autres parties du secteur minier demeurent enlisées dans des différends d’ordre juridique et l’implication de l’État y reste excessive. En outre, d’autres secteurs tels que l’agriculture et l’énergie hydroélectrique (qui présentent un potentiel énorme) pâtissent d’une allocation insuffisante de ressources.
Les perspectives économiques sont limitées en l’absence de changement significatif et profond au niveau de la gouvernance. Les tensions et l’incertitude de l’économie politique présentent des risques graves pour le présent et l’avenir et sont préjudiciables au secteur privé et aux investisseurs. Selon le rapport annuel Perspectives économiques en Afrique, une publication de la Banque africaine de développement en collaboration avec d’autres partenaires, l’économie de la Guinée, sur laquelle la crise d’Ebola a considérablement pesé, devrait se stabiliser suite à sa résolution, et revenir à des taux de croissance annuels moyens de 4,5 pour cent en 2015.
Cependant, même si cet objectif est atteint (ce qui Perspectives économiques de la Guinée : L’impact des opportunités manquées est loin d’être garanti étant donné l’incertitude politique et générale croissante dans le pays), le taux de croissance annuel moyen prévu pour le reste de l’Afrique d’établit à presque 6% en 2015.
La stabilité et la durabilité de l’économie guinéenne sont donc très vulnérables aux chocs extérieurs et aux fluctuations des cours mondiaux des matières premières
En outre, le taux de croissance pour l’Afrique de l’Ouest, où se trouvent les deux autres pays durement touchés par la crise d’Ebola (le Liberia et le Sierra Leone), devrait atteindre plus de 7%. Après un recul estimé à 0,3% en 2014, la croissance réelle du PIB en Guinée diminuera de 1,1% en 2015, du fait de la perturbation causée par l’épidémie d’Ebola, mais elle pourrait rebondir à 6% en 2016. Cet objectif ne sera atteint que si l’on autorise les investissements dans le secteur minier, si l’on résiste à la tentation d’interventions préjudiciables de l’État, et si l’on parvient à atténuer les tensions politiques préoccupantes pour les investisseurs. Le déficit budgétaire se creusera à 8,1% du PIB en 2015, du fait de la baisse des recettes provoquée par la récession, avant de s’établir à 4,5% du PIB en 2016, grâce au redressement de l’économie.
Le déficit de la balance des opérations courantes diminuera à 13,7% du PIB en 2015, aidé par la baisse des cours mondiaux du pétrole. Il se creusera à 16,8% du PIB en 2016, alors que les prix du pétrole commenceront à se rétablir et que les importations de biens d’équipement liées à l’exploitation minière connaîtront une augmentation rapide. Le budget de l’État pour 2015 prévoit un déficit budgétaire de 4,2 trillions de Gnf (soit 604 millions de dollars), soit environ 8% du PIB, ce qui représente une augmentation par rapport à un déficit estimé de 4,6% du PIB en 2014.
Tous les regards seront fixés sur les élections présidentielles d’octobre 2015. Dans un pays aussi centralisé que la Guinée (où davantage de pouvoirs, de fonds et d’influence croissants sont concentrés au niveau du Bureau du Président et entre les mains du Président sortant), aucune prévision économique ne peut être analysée sans tenir compte de l’incompétence politique et de la gouvernance tristement notoire en Guinée depuis l’élection de 2010.
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