Prise de décision des parents à retirer leur enfant de l’école en milieu urbain guinéen: cas de la préfecture de Kindia, Université Laval, 2018

Prise de décision des parents à retirer leur enfant de l’école en milieu urbain guinéen: cas de la préfecture de Kindia, Université Laval, 2018

Auteur : Mohamed Lamine Dioubate

Organisation affiliée : Université Laval

Type de publication : Thèse

Date de publication : 2018

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Premier objectif : Les motifs de la prise de décision de retirer les enfants de l’école chez les familles guinéennes

Comprendre les motifs qui poussent les parents de la préfecture de Kindia à retirer leur enfant de l’école pour les orienter vers des métiers au niveau du second cycle du primaire a été le premier objectif de cette recherche. À la lumière des résultats obtenus, les familles ont évoqué majoritairement la précarité familiale comme l’une des principales raisons du retrait des enfants de l’école.

Les données révèlent donc que c’est dans les deux profils de familles que la décision de retirer les enfants de l’école pour apprendre un métier s’impose plus aux parents que dans les familles proformations coraniques qui ne mettent pas l’accent sur le facteur de précarité familiale, mais de leur propre vouloir. Ainsi, l’analyse des informations obtenues nous amène à comprendre que la possession d’un bien économique est cruciale pour toutes les familles, quel que soit leur profil. Ce qui veut dire que le capital économique que possèdent les parents est prépondérant dans la réalisation de la poursuite scolaire des enfants.

À la lumière des résultats obtenus, les familles ont évoqué majoritairement la précarité familiale comme l’une des principales raisons du retrait des enfants de l’école

Alors bien que les familles dans leur majorité ont évoqué avoir une bonne perception de l’école et que celle-ci ne constitue aucunement une menace pour elles, le fait d’être pauvre, d’être au chômage au point de pouvoir retirer les enfants du système crée une frustration en elles. 

Deuxième objectif : La rationalité coûts-risques-bénéfices dans la visée familiale en Guinée

Les familles à visées positives sur l’école présentent les caractéristiques des types de familles à situations plus précaires et demeurent concentrées sur une grande rentabilité de la part des enfants. En fonction donc de leur situation socioéconomique défavorable, celles-ci ne demeurent pas attentives sur la situation scolaire pédagogique de leurs enfants comme dans les familles non favorables à l’école. Elles agissent en conséquence par rapport au bien-être qu’elles estiment tirer de leurs enfants en les envoyant dans les métiers. Si ces familles accordent une nette importance aux métiers à cette étape de la scolarité de leurs enfants, c’est qu’elles ont procédé par des calculs liés aux coûts et aux bénéfices anticipés à en tirer par rapport à leur position sociale.

Dans la même logique, les démarches adoptées dans les familles non favorables à l’école sont un peu conformes à celles des familles à visées positives sur l’école, mais pas identiques dans les faits. Certes, elles sont toutes confrontées à des difficultés pécuniaires qui sont de bases communes, mais dans les familles non favorables, nous constatons une démarche pédagogique à tort ou raison qui aboutit à la rupture scolaire des enfants. Sur cet aspect, ces familles paraissent bien informées et mieux préparées par rapport au choix des métiers pour leur enfant, car elles alternent entre plusieurs options qui balisent leur rationnel en termes de coûts-risques-bénéfices attendus des métiers qu’exercent les enfants.

Les familles à visées positives sur l’école présentent les caractéristiques des types de familles à situations plus précaires et demeurent concentrées sur une grande rentabilité de la part des enfants. En fonction donc de leur situation socioéconomique défavorable, celles-ci ne demeurent pas attentives sur la situation scolaire pédagogique de leurs enfants comme dans les familles non favorables à l’école

Le profil des familles proformations coraniques se démarque un peu plus des autres quant à leur positionnement sur l’école et dans les raisons avancées pour le retrait des enfants de l’école. En réalité, ces familles n’ont argumenté aucune raison plausible qui les a amenés à prendre la décision de retirer leur enfant de l’école. Alors qu’elles se considèrent comme plus favorables à l’éducation moderne, donc à l’école française, elles ont un penchant beaucoup plus marqué pour les foyers coraniques. Le souci majeur de ces familles, sur la base de qu’elles défendent, est de préparer l’avenir des enfants.

Mais cela ne peut passer que par la maitrise du coran, car la vie sur cette terre n’est qu’éphémère. Les proformations coraniques sont moins soucieuses de la réussite des enfants lorsqu’ils entament un métier, car le plus important pour elles se trouve ailleurs. Et ce qui peut paraître paradoxal dans leur position, c’est le fait de vouloir mettre l’accent sur l’avenir des enfants alors qu’en réalité leur fonctionnement est tout autre. Oui, pour une réussite matérielle dans ce monde, mais la vérité c’est d’accord pour une meilleure rétribution dans l’au-delà. 

Troisième objectif : les familles et leurs perceptions sur la réussite sociale des enfants

La réponse au troisième objectif de notre recherche a montré que dans l’ensemble, les familles ont une bonne perception de la réussite sociale de leurs enfants. Sur une base commune à l’ensemble des profils, deux sous-groupes de familles ont émergé des résultats, le premier concerne les proréussites sociales à sens unique et le second présente les proréussites sociales pour tous. Ces sous profils, sont bien présentes dans les familles à visées positives sur l’école que dans celles non favorables à l’école. Les familles proformations coraniques se définissent comme des proréussites pour tous.

Ici, commençons par les proréussites sociales à sens unique. Comme leur nom l’indique, ces familles ont clairement sollicité et défendu la réussite sociale des garçons à celles des filles. Cette préférence à l’égard de la réussite sociale pour les garçons que pour les filles se comprend en fonction de la vision culturelle et sociétale à laquelle ces familles s’y réclament pour soutenir leur position, mais qui est somme toute individuelle avant d’être collective. Les familles proréussites sociales à sens unique ont soutenu qu’elles sont pour une réussite sociale des garçons parce que ceux-ci sont considérés comme étant les héritiers potentiels des parents dans les familles. Cet artefact social prédispose le jeune homme à se comporter en conséquence en créant en lui la confiance de pouvoir réussir et aussi en inculquant en lui la conscience de la responsabilité à assumer toutes les charges mêmes celles qui sont imprévues. Ainsi, pour les parents de cette catégorie de réponse, la réussite sociale des hommes constitue un coût d’opportunité qui doit sans doute profiter à tous les membres de la famille, car c’est sur eux que repose l’espoir d’une vie meilleure et d’une postérité réussie pour les parents.

Les familles proréussites sociales à sens unique ont soutenu qu’elles sont pour une réussite sociale des garçons parce que ceux-ci sont considérés comme étant les héritiers potentiels des parents dans les familles

Contrairement à l’idée précédemment émise, l’autre sous-groupe de familles que nous appelons les proréussites sociales pour tous, que l’on retrouve aussi bien chez les familles à visées positives que non favorables sur l’école et qui s’opposent à une réussite sociale à sens unique, soutiennent qu’autant les garçons et les filles sont appelés à réussir à tous les niveaux. Le fait pour ces familles de considérer qu’il n’y a aucune préférence entre la réussite sociale d’un garçon et celle d’une fille démontre analytiquement une prise de conscience de leur part par rapport au travail des filles dans la préfecture de Kindia. Cela signifie aussi que la logique familiale sur la réussite sociale des filles change graduellement au sein d’une société fortement patriarcale, où de tous les temps, l’ascension sociale des filles a toujours subordonné celle des hommes. Dorénavant, plus que le garçon, la fille a un statut, une visibilité, une liberté et particulièrement une autonomie financière qui détermine et conforte sa position sociale dans son foyer et dans la société. Elle n’est plus subordonnée aux garçons, mais bien son partenaire tout simplement parce qu’elle tient par son pouvoir d’achat les rênes de l’économie familiale.

Pour certains parents, la réussite sociale désignerait être capable de se prendre en charge sans dépendre de personne et aussi d’être en mesure de venir au secours à d’autres membres de la fratrie et de la communauté. Par ailleurs, les résultats montrent que les familles qui se disent fières de leurs décisions sont celles qui ont commencé à profiter du soutien de leurs enfants et qui gardent un grand espoir que ces derniers leur apporteront plus de soutiens matériels. D’autres familles par contre, qui regrettent d’avoir pris cette décision se sentent mal à l’aise aujourd’hui d’avoir agi de cette façon.

Pour ce qui est des types d’activités exercées par les enfants, la plupart d’entre eux font la couture, suivie de ceux qui exercent le commerce comme activités principales. En plus de ces activités, d’autres enfants sont : menuisier, apprenti chauffeur, bucheron, électricien, maçon, tôlier et cuisinière. le modèle écosystémique permet une lecture forte intéressante des interactions régulières de l’enfant avec son environnement et que les systèmes n’ont d’existence que dans la mesure où ils sont une dimension spécifique du vécu de l’individu. De ces perceptions, nous pouvons déduire que le fait d’appartenir à un milieu socioculturel défini peut incontestablement d’une manière ou d’une autre influencer le choix des activités des enfants.

 

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