Rapport Guinée 2022, Human rights watch, 2022

Rapport Guinée 2022, Human rights watch, 2022

Auteur: Human rights watch

Site de publication: HRW

Type de publication : Rapport 

Date de publication : 2022

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*Les Wathinotes sont des extraits de publications choisies par WATHI et conformes aux documents originaux. Les rapports utilisés pour l’élaboration des Wathinotes sont sélectionnés par WATHI compte tenu de leur pertinence par rapport au contexte du pays. Toutes les Wathinotes renvoient aux publications originales et intégrales qui ne sont pas hébergées par le site de WATHI, et sont destinées à promouvoir la lecture de ces documents, fruit du travail de recherche d’universitaires et d’experts.

 


 

Le 5 septembre, des officiers de l’armée guinéenne ont perpétré un coup d’État et arrêté le Président Alpha Condé, qui avait remporté l’élection présidentielle d’octobre 2020 après un an d’efforts pour obtenir un troisième mandat. Le Colonel Mamady Doumbouya, chef des forces spéciales guinéennes et des putschistes, qui s’appelaient eux-mêmes le Comité national du rassemblement et du développement (CNRD), a proclamé la dissolution du gouvernement et de la constitution, et a annoncé une période de transition. 

Le coup d’État est survenu après une période d’instabilité politique à la suite d’un référendum constitutionnel de mars 2020 ayant permis à Condé de se présenter pour un troisième mandat à l’élection présidentielle d’octobre 2020, qui a été entachée de violences. Les forces de sécurité ont fait un usage excessif de la force lors de manifestations dirigées par l’opposition et elles ont arrêté et détenu plus de 350 dirigeants et membres du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), une coalition de groupes de la société civile et de partis d’opposition, pendant la période entourant le scrutin présidentiel. En avril, le gouvernement Condé a libéré 40 d’entre eux. En septembre, les nouvelles autorités militaires ont libéré 79 autres personnes détenues et autorisé 4 opposants en exil à rentrer en Guinée.  

Le gouvernement de Condé n’a pas respecté l’échéance qu’il s’était lui-même fixée en juin 2020 pour le procès des auteurs présumés du massacre du stade de 2009. Il y a eu de modestes nouveaux progrès vers le procès à la mi-2021. Si le coup d’État peut perturber les progrès, Doumbouya a annoncé le 5 septembre que « la justice sera la boussole qui guidera tout citoyen guinéen », faisant une apparition symbolique lors de la commémoration cette année du massacre du stade.

La Guinée a perdu l’accès privilégié au marché américain offert en vertu de l’African Growth and Opportunity Act (AGOA). Le 2 novembre, l’administration Biden a annoncé son intention de réduire les avantages commerciaux de la Guinée d’ici le 1er janvier 2022, « pour ne pas avoir établi, ou n’avoir pas fait de progrès continus vers l’établissement de, la protection de l’État de droit et du pluralisme politique ».    

Covid-19

L’état d’urgence sanitaire, imposé par l’ancien président Condé en mars 2020 pour freiner la propagation du Covid-19, est toujours en place. En juillet 2021, suite à l’augmentation des cas confirmés, Condé a imposé des mesures plus restrictives, notamment l’interdiction des grands rassemblements et le couvre-feu à 22 heures au lieu de minuit qui avait été maintenu par les nouvelles autorités militaires. L’opposition politique et la société civile ont exprimé leurs inquiétudes quant à l’utilisation de l’état d’urgence sanitaire comme excuse pour réprimer la dissidence et violer les droits.  

Les fermetures d’écoles dues à la pandémie de Covid-19 ont touché 2,6 millions d’enfants. Après le début de la pandémie en 2020, les écoles ont été fermées pendant 151 jours, mais ont rouvert en septembre 2020 et sont restées ouvertes tout au long de 2021. 

Libération de prisonniers politiques

Le 29 avril, les autorités de l’ancien président Condé ont ordonné la libération de 40 personnes après que le tribunal de Dixinn à Conakry n’a trouvé aucun motif de poursuites. Ces personnes se trouvaient en détention provisoire depuis octobre 2020, après leur arrestation pour divers chefs d’accusation à la suite de manifestations menées par l’opposition pendant la période électorale. Le 5 mai, les autorités ont libéré le journaliste Amadou Diouldé Diallo, arrêté en mars après avoir critiqué le président Condé dans l’un de ses articles. Les 18 et 22 juin, Condé a gracié deux opposants politiques, Souleymane Condé, coordinateur du FNDC, et Youssouf Diabaté, membre du FNDC.

Le 7 septembre, les nouvelles autorités militaires ont libéré 79 prisonniers politiques. Parmi eux figuraient des dirigeants et des membres du principal parti d’opposition, l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), dont Abdoulaye Bah et Oumar Sylla du FNDC, alias Foniké Mengué.    

Arrêté le 29 septembre 2020 à Conakry alors qu’il s’apprêtait à participer à une manifestation dirigée par le FNDC pour protester contre la décision du président Condé de briguer un troisième mandat, Foniké Mengué a été condamné à trois ans de prison pour « communication et divulgation de fausses informations, et menaces de violence ou de mort » lors de son procès en appel le 10 juin 2021. 

Le 2 août, il a été transféré à l’hôpital alors que sa santé se détériorait. Il était en grève de la faim entre le 25 décembre 2020 et le 8 janvier, pour protester contre les ajournements répétés de son procès. Il a également été infecté par le Covid-19 en mars, lors de sa détention à la prison centrale de Conakry ; ses proches ont accusé le gouvernement de lui refuser l’accès à un traitement médical adéquat.

Abdoulaye Bah faisait partie d’un groupe de quatre membres de l’opposition libérés pour raisons de santé en juillet par les autorités de l’ancien président Condé, avec Ibrahima Cherif Bah, Ousmane Gaoual Diallo et Cellou Balde. Les quatre hommes avaient été arrêtés en novembre 2020 pour implication présumée dans des violences post-électorales. Cependant, le 10 août, Abdoulaye Bah a été renvoyé en prison pour « violation des conditions de sa libération ».   

Le 18 septembre, les nouvelles autorités militaires ont autorisé le retour en Guinée de quatre opposants politiques en exil, dont Sékou Koundouno, membre du FNDC. Les autorités judiciaires guinéennes avaient émis un mandat d’arrêt international contre Koundouno en août, pour des faits d’association de malfaiteurs, incendie volontaire, insurrection et troubles à l’État par le massacre, la dévastation ou le pillage.

Décès en détention, arrestations arbitraires et restrictions imposées à l’opposition 

Quatre partisans présumés de l’opposition politique sont morts en détention entre novembre 2020 et janvier 2021. Mamadou Oury Barry, 21 ans, un homme détenu comme sympathisant présumé de l’opposition politique, est décédé le 16 janvier. Sa famille et son avocat ont déclaré qu’il était décédé dans sa cellule et n’avait pas reçu des soins médicaux appropriés pour les mauvais traitements et une maladie dont il a souffert en détention, mais les autorités ont affirmé qu’il était décédé à l’hôpital de « causes naturelles ».   

Le 3 février, le tribunal de première instance de Dixinn à Conakry, la capitale, a décidé que le siège du principal parti d’opposition, l’UFDG, qui avait été fermé en octobre 2020, devait rester fermé. Le 17 mars, les autorités aéroportuaires de Conakry ont empêché Cellou Dalein Diallo, leader de l’UFDG, de se rendre en Côte d’Ivoire et ont saisi son passeport. Le 24 mai, le procureur du tribunal de première instance de Dixinn a déclaré que son interdiction de voyager avait été maintenue et pourrait être encore prolongée. Les autorités n’ont fourni aucune explication pour cette interdiction. Les nouvelles autorités militaires ont levé l’interdiction de voyager en septembre et ont autorisé Diallo à accéder à ses bureaux.  

Le 9 juillet, les autorités judiciaires ont condamné Ismaël Condé, un ancien membre du parti au pouvoir ayant rejoint l’opposition, à trois ans et quatre mois de prison pour « offense au chef de l’État », après qu’il a déclaré que seules les armes pourraient chasser Alpha Condé du pouvoir.    

Obligation de rendre des comptes pour les abus graves

Bien que le gouvernement de Condé ait annoncé l’ouverture d’enquêtes sur les présumées exactions commises par les forces de sécurité  lors des manifestations — notamment la mise en place d’un panel de juges chargé d’enquêter sur les « provocations, exactions et destructions graves » commises à Conakry lors des élections législatives et du référendum de mars 2020 — un manque de volonté politique, des capacités d’enquête limitées et la réticence des témoins à se présenter aux autorités ont fait que la plupart des enquêtes n’ont pas abouti à des inculpations contre des membres des forces de sécurité. Le procès de plusieurs policiers accusés d’avoir utilisé une femme comme bouclier humain afin de se protéger des manifestants en janvier 2020, qui s’est ouvert en mars 2020, est au point mort.    

Douze ans après que des forces de sécurité avaient massacré plus de 150 sympathisants pacifiques de l’opposition et violé des dizaines de femmes dans un stade le 28 septembre 2009, les responsables n’ont toujours pas été jugés.

Même avant le coup d’État, les inquiétudes concernant un manque évident de volonté pour que ce procès se déroule en Guinée se sont accrues dans un contexte de stagnation de l’organisation du procès par le secteur de la justice. Néanmoins, à la mi-2021, il y a eu de nouveaux développements, avec la reprise des réunions d’un comité stratégique mis en place pour planifier le procès, la construction de la salle d’audience en cours et une formation des magistrats prévue. Plusieurs personnes inculpées dans cette affaire se trouvent en détention au-delà de la limite légale en attendant le début du procès. 

La Cour pénale internationale, qui procède à un examen préliminaire du massacre de 2009, a exprimé en décembre 2020 sa déception devant le fait que le procès ne soit pas encore ouvert et a déclaré qu’elle comptait sur les autorités guinéennes pour démontrer leur volonté et leur capacité à lutter contre l’impunité dans les mois à venir.



 

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