Situation des droits de l’homme en Guinée, Rapport, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’Homme

Situation des droits de l’homme en Guinée, Rapport, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’Homme

Auteur : Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme

Type de publication: Rapport

Date de publication: 2017

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*Les Wathinotes sont des extraits de publications choisies par WATHI et conformes aux documents originaux. Les rapports utilisés pour l’élaboration des Wathinotes sont sélectionnés par WATHI compte tenu de leur pertinence par rapport au contexte du pays. Toutes les Wathinotes renvoient aux publications originales et intégrales qui ne sont pas hébergées par le site de WATHI, et sont destinées à promouvoir la lecture de ces documents, fruit du travail de recherche d’universitaires et d’experts.

 

La liberté de réunion et d’association pacifiques est garantie par l’article 20 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, par l’article 21 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et par la Constitution guinéenne dans son article 10.

Contrairement à l’année précédente, peu de confrontations violentes liées aux revendications politiques ont été observées. Néanmoins, le 16 août, au retour d’une manifestation politique organisée par l’opposition, un homme a été tué par une balle qui aurait été tirée par un policier de la Compagnie mobile d’intervention spéciale. La victime a été atteinte au cou alors qu’elle se trouvait au balcon de son appartement. Trois autres personnes ont également été blessées : un enfant de 2 ans, une femme touchée à la jambe et un homme de 20 ans qui roulait à moto sur le lieu de l’incident, dans le quartier Bambeto, à Conakry. Toutes les victimes ont déclaré avoir été blessées par les forces de l’ordre. Le policier suspecté d’être l’auteur du tir qui a entraîné le décès a été arrêté et placé en détention. Ce tir est intervenu alors que les policiers étaient en train d’empêcher les jeunes de barricader la route au retour de la manifestation.

Le 19 avril, dans la commune de Kaloum, les forces de l’ordre ont empêché la marche des femmes membres de l’opposition qui réclamaient la libération des membres du parti de l’opposition Union des forces démocratiques de Guinée, en détention préventive, suite à la mort par balle d’un journaliste au siège du même parti. Les manifestantes ont porté plainte contre trois officiers de la police et de la gendarmerie, qui dirigeaient les opérations, pour violation du droit à la liberté de manifestation, étant donné qu’elles avaient respecté toutes les conditions légales. A/HRC/34/43 5 B. Droit au respect de l’intégrité physique et morale

Le droit au respect de l’intégrité physique et morale est garanti par l’article 5 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, l’article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et l’article 6 de la Constitution guinéenne.

Le respect du droit à l’intégrité physique et morale par les forces de défense et de sécurité reste une préoccupation, surtout pour les personnes suspectées de crime. La recherche d’aveux et de renseignements pousse souvent les forces de sécurité à recourir à la torture et à des mauvais traitements contre des suspects.

En avril, le Bureau du Haut-Commissariat en Guinée a assuré le suivi de deux cas de torture commis au moment de l’interpellation et pendant l’interrogatoire, l’un par une unité mixte composée de policiers et de gendarmes, l’autre par une unité de la Compagnie mobile d’intervention spéciale. Dans les deux cas, les unités ont usurpé les fonctions d’officiers de police judiciaire, car leurs missions se limitaient normalement à l’arrestation des suspects et ne comprenaient pas l’interrogatoire. Le Ministère de la sécurité a pris des mesures disciplinaires, notamment par la suspension de fonction de 12 officiers et agents impliqués dans un des cas. 18. En mars, une unité conjointe de la police et de la gendarmerie, la Brigade anticriminalité n o 8, a arrêté un homme soupçonné de vol. Les agents de cette unité l’ont torturé pendant trois jours consécutifs pour qu’il admette son implication. Il a ensuite été envoyé dans une unité d’investigation de la gendarmerie où il a passé trois jours menotté.

De même, le Bureau du Haut-Commissariat en Guinée a documenté des cas constitutifs de traitements cruels, inhumains et dégradants. Il a recensé 26 blessés, dont 25 ont été admis dans des centres médicaux suite aux violences et mauvais traitements qu’ils ont subis de la part des soldats lors d’un incident survenu dans la préfecture de Mali. Parmi ces victimes figuraient trois femmes.

En effet, en juin, le commandant du camp d’infanterie de la préfecture de Mali, en Moyenne-Guinée, a fait sortir un chauffeur de son camion, lui a donné des gifles et a demandé à sa garde de lui donner des coups de fouet. En réaction, la population a exigé auprès du préfet que le commandant quitte la préfecture. Il s’en est suivi des affrontements au cours desquels les militaires ont fait un usage excessif d’armes létales en tirant à balles réelles. Pendant ces échauffourées, 25 personnes ont été blessées, dont cinq hommes par balle, des boutiques incendiées et du bétail tué. Le commandement de la région militaire et l’administration ont convaincu ledit commandant de quitter la préfecture. Le Bureau du Haut-Commissariat en Guinée a également trouvé un suspect placé dans la salle d’accueil d’un poste de police les pieds attachés avec des anneaux de fer. L’officier de police judiciaire a expliqué que c’était pour éviter que le suspect ne s’évade, car le poste de police ne disposait pas de cellule de garde à vue. Le Bureau du Haut-Commissariat en Guinée a fait remarquer le caractère inhumain de la pratique et les anneaux ont été retirés de ses pieds. C. Droit à la liberté et à la sécurité

Le droit à la liberté et à la sécurité est un droit reconnu à l’individu par les instruments internationaux de protection des droits de l’homme, en l’occurrence la Déclaration universelle des droits de l’homme (article 3) et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (article 9), et par la Constitution guinéenne (article 9). Le droit à la liberté constitue un des piliers des droits de l’homme et la privation de ce droit doit être justifiée par une procédure prévue par la loi. A/HRC/34/43 6

Durant l’année, le Bureau du Haut-Commissariat en Guinée a effectué 102 visites de lieux de détention, dont des prisons et des postes de garde à vue, et a pu relever 26 cas d’arrestations arbitraires et 62 cas de dépassements du délai de garde à vue de 48 heures. Grâce à l’intervention et au plaidoyer du Bureau du Haut-Commissariat en Guinée, 74 personnes ont recouvré leur liberté, parmi lesquelles 22 mineurs et 7 femmes.

Le Bureau du Haut-Commissariat en Guinée constate que la précarité des conditions de détention décrites dans le précédent rapport n’a pas connu d’amélioration en 2016. Les travaux de construction et de rénovation des prisons entamés en 2014-2015 sont présentement arrêtés. La promiscuité, l’insalubrité, le manque de soins de santé, la malnutrition et la sous-alimentation ont significativement augmenté, y compris pour les femmes et les enfants. Dans la grande majorité des prisons comme les maisons centrales de Conakry et de Kindia, de nombreuses femmes sont détenues dans des locaux exigus où rien n’est prévu pour la prise en compte de leurs besoins spécifiques. Les quartiers ou cellules prévus pour les mineurs sont également habités par des majeurs, dont certains sont poursuivis pour des crimes graves. L’administration pénitentiaire explique cet état de fait par le nombre élevé de détenus et le manque de place.

En mai, lors de la visite médicale des détenus de la maison centrale de Conakry, 56 cas de béribéri ont été découverts. Cette maladie a causé la mort d’un détenu. Deux des sociétés de restauration, chargées par le Ministère de la justice d’assurer l’alimentation des détenus, ont affirmé au Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH) qu’elles n’étaient plus en mesure de nourrir normalement les détenus parce qu’elles n’étaient pas payées depuis plusieurs mois. Le constat est le même dans les autres prisons du pays. Le Bureau du Haut-Commissariat en Guinée a rencontré cinq détenus souffrant de paralysie au niveau des jambes dans la région forestière. Selon les détenus et les autorités pénitentiaires, cette paralysie serait liée à divers facteurs, notamment l’alimentation peu riche en vitamines, la surpopulation qui ne facilite pas les activités récréatives et le suivi médical irrégulier. Le Bureau du Haut-Commissariat en Guinée a également noté une rupture de stock dans les pharmacies des prisons de Yomou et de Lola, qui laisse les détenus sans prise en charge médicale appropriée. Les autorités judiciaires et pénitentiaires demandent un appui aux partenaires intervenant dans le domaine de la santé.

Le Bureau du Haut-Commissariat en Guinée commence également à noter les effets positifs de ses séances de sensibilisation à travers des émissions radio animées par des défenseurs des droits de l’homme. En effet, les citoyens saisissent de plus en plus le Bureau du Haut-Commissariat en Guinée à travers les moniteurs du HCDH. Ces moniteurs sont des membres de la société civile que le Bureau a formés pour suivre la situation des droits de l’homme pendant les différentes élections. À titre d’exemple, le Bureau du HautCommissariat en Guinée a été saisi par une délégation de parents à la suite d’une interpellation de leurs enfants (au total sept jeunes garçons) par les agents de l’escadron mobile no 10 de Nzérékoré. Ces derniers ont exigé le paiement d’une somme de 100 000 francs guinéens (12 dollars des États-Unis) par enfant représentant des « frais de convocation ».

L’intervention du Bureau du Haut-Commissariat en Guinée a permis à la hiérarchie de se saisir du dossier et de faire respecter la procédure. Lutte contre l’impunité 31. En dépit des efforts notables entrepris par le Gouvernement pour réformer les secteurs de la justice et de la sécurité, la lutte contre l’impunité demeure un défi majeur. Dans son précédent rapport, le Haut-Commissaire avait fait état de nombreuses affaires de crimes impliquant des éléments des forces de l’ordre qui restaient pendantes devant la justice. À la publication du présent rapport, aucun progrès n’avait été enregistré dans ces affaires. Malgré des convocations régulières de la justice, les trois officiers de gendarmerie cités dans ces affaires d’atteinte au droit à la vie et d’actes de torture refusent toujours de se présenter devant les juges, affirmant que leur hiérarchie ne les y autorise pas.

 

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