TICE en Guinée : usages pour de meilleures pratiques en enseignement- apprentissage et en formation, CIRD et IFSAD, Juin 2021

TICE en Guinée : usages pour de meilleures pratiques en enseignement- apprentissage et en formation, CIRD et IFSAD, Juin 2021

Auteurs : Prof. Mamadou Saliou DIALLO, Dr. Elhadj Mohamed Ramadan DIALLO, Dr. Faya Doumbo KAMANO, Keïta Fatoumata SYLLA, Mamadou Saïdou Aliou DIALLO, (Feu) Amadou Lamarana DIALLO et Mamadou Dian DIALLO

Organisations affiliées : Centre International de Recherche et Documentation (CIRD) et l’Institut Supérieur de Formation à Distance

Type de publication : Rapport de recherche

Date de publication : Juin 2021

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*Les Wathinotes sont des extraits de publications choisies par WATHI et conformes aux documents originaux. Les rapports utilisés pour l’élaboration des Wathinotes sont sélectionnés par WATHI compte tenu de leur pertinence par rapport au contexte du pays. Toutes les Wathinotes renvoient aux publications originales et intégrales qui ne sont pas hébergées par le site de WATHI, et sont destinées à promouvoir la lecture de ces documents, fruit du travail de recherche d’universitaires et d’experts

 

Position du problème : présentation du projet et questionnement 

La problématique de l’intégration des technologies de l’information et de la communication dans les pratiques pédagogiques dans les pays en voie de développement comme la Guinée est d’actualité dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques et stratégies éducatives des États (Depover, C., Karsenti, T. et Komis, V. 2007, Diaouné et al., 2019 ; Diaouné, 2020 ; MESRS, 2014 ; MENA, 2021). La forte pénétration et l’accélération des usages du digital dans les pratiques sociales et économiques (vulgarisation des réseaux sociaux, développement progressif d’une économie numérique dématérialisée) est un phénomène observable dans la société guinéenne et est à l’origine d’un début de mutation sociétale au sein des communautés. Les pouvoirs publics en sont conscients et parfois sont à l’avant-garde de la gestion du phénomène pour soit anticiper sur les effets (positifs et négatifs) qu’une telle transformation peut engendrer, soit pour orienter les pratiques et réglementer les usages (MPTEN, 2016).

A y voir de près, le problème de gestion du secteur reste encore administratif, économique et sécuritaire. L’encadrement des usages éducatifs dans le secteur de l’enseignement et de la recherche scientifique est timide. On observe une tendance paradoxale au renforcement de mesures coercitives de l’usage des outils et services de technologies de l’information et de la communication (TIC) en milieu éducatif formel.

Les dispositions réglementaires (les règlements intérieurs des écoles, les règlements généraux des départements en charge de l’éducation, les attitudes et pratiques des unités et autorités d’encadrement pédagogique et administratif dans les écoles) ont une forte tendance à ignorer, voire à réprimer la présence des outils et services TIC à l’école. Les instructions officielles et directives ministérielles actuelles ne préconisent pas des enseignements sur et par les technologies de l’information et de la communication.

La question de savoir quels usages les élèves, les enseignants et les responsables scolaires font des outils et services TIC dans la relation pédagogique et administrative en milieu scolaire peut paraître inopportune, voire dénuée de sens. Pourtant, l’intérêt du sujet ne peut être occulté, étant donné une double réalité observable dans l’environnement scolaire : (i) les nouveaux enjeux de digitalisation de la vie publique, en général, et de l’éducation nationale, en particulier et (ii) la forte pression exercée par le phénomène sur l’école. Ignorer la question ne nous semble donc pas la meilleure option à prendre. C’est pour cette raison que le présent projet de recherche sur les TICE en Guinée se préoccupe d’étudier cette problématique dans son paradoxe sociétal et pédagogique. L’étude menée a consisté en l’établissement d’un état des lieux des pratiques numériques dans l’apprentissage et l’enseignement fondamental (niveaux primaire et collège) en Guinée à travers une enquête de terrain à petite échelle (deux régions sur les huit que compte le pays).

Contexte et justification de la recherche

Le Ministère de l’Éducation Nationale et de l’Alphabétisation (MENA) est l’un des trois départements en charge du système éducatif guinéen. Dans sa mission d’assurer une éducation de qualité aux enfants, aux jeunes et aux adultes guinéens, le MENA est particulièrement chargé de donner un enseignement fondamental de qualité, gratuit et obligatoire pour les 10 premières années de la scolarisation des enfants de Guinée.

Pour s’acquitter de sa mission, le MENA est fortement appuyé par le Gouvernement, ses partenaires techniques et financiers et la société civile, à travers des programmes, des projets et des plans d’action sous-sectoriels structurés autour d’axes stratégiques et des échéances de mise en œuvre définies.

Formation/connaissance sur les TIC(E)

L’intégration des TIC dans le milieu scolaire passe nécessairement par la formation de ses principaux acteurs (élèves, enseignants et dirigeants). Cette formation consiste en l’acquisition d’un certain nombre de savoirs théoriques et pratiques permettant de favoriser l’administration et l’enseignement/apprentissage.

Les élèves ont un avis favorable à la connaissance des outils TIC. Au primaire, cinquante-huit (58) élèves sur quatre-vingt-un (81) déclarent avoir la connaissance d’au moins trois équipements TIC.

Parlant de leur niveau de connaissance en informatique de base (bureautique), il faut noter que 64,5% des élèves (du primaire et du secondaire) déclarent ne pas savoir utiliser les outils TIC, suivis de 27% de ceux qui en ont un niveau débutant et 8% de ceux de niveau moyen.

L’intégration des TIC dans le milieu scolaire passe nécessairement par la formation de ses principaux acteurs (élèves, enseignants et dirigeants)

Les enseignants sont des acteurs incontournables dans un processus de digitalisation scolaire. Ils s’occupent, pour l’essentiel, des activités pédagogiques de l’école. A ce titre, leur formation est nécessaire pour une intégration réussie des TICE dans les établissements scolaires. Cependant, leur niveau dans ce domaine est moins rassurant : sur quarante (40) enseignants, sept (7) n’ont aucune connaissance pratique en informatique de base (système d’exploitation, traitement de texte, tableur), seize (16) ont un niveau débutant et seize (16) autres ont un niveau moyen. Ce faible niveau des enseignants en informatique de base dépendrait-il de la formation suivie pendant et en dehors de leur formation initiale ?

Il ressort qu’au total, 75% des enseignants ont suivi une ou des formations dans le domaine des TIC, pendant ou en dehors de leur cursus de formation initiale. Ce qui donne la réponse à la question ci-dessus posée : les formations suivies pendant ou en dehors du cursus de formation initiale des enseignants n’expliquent pas forcément leur faible niveau en informatique de base (bureautique). Les raisons d’un tel niveau pourraient aussi se trouver dans l’absence des outils TIC à mettre à la disposition de ces enseignants ; donc, au manque d’utilisation régulière de ces outils par les concernés qui, au cours des entretiens tenus, ont déclaré l’inexistence de ces outils à leur niveau.

Sur la base des déclarations des responsables (dirigeants) d’écoles, le constat montre qu’une bonne partie d’entre eux a bénéficié d’enseignements en TIC au cours de la formation initiale (8 responsables sur les 18 interrogés). Sur vingt (20) dirigeants ayant répondu à la question de savoir s’ils ont suivi des formations en TIC en dehors de leurs cursus de formation initiale, les réponses montrent là aussi que 9 responsables sur les 20 l’ont fait.

La plupart des établissements scolaires guinéens sont approvisionnés par Électricité de Guinée (EDG) dont le courant est irrégulier. Ce manque d’autonomie en courant électrique constitue un facteur peu favorable à l’intégration effective des TIC au sein des écoles

Même si par ces réponses, on peut avoir l’impression que quasiment la moitié des responsables d’écoles est formée aux TIC, soit en formation initiale, soit en formation continue, leurs réponses, par ailleurs, à la question de niveau acquis révèlent que plus de 70% se situent en dessous du seuil minimum de connaissances des TIC et de leur usage dans l’exercice de leur fonction administrative et pédagogique. Pour le peu d’usages des TIC par les responsables scolaires, l’usage administratif (envoyer et recevoir des sms, émettre et recevoir des appels téléphoniques) l’emporte sur l’usage pédagogique et de gestion de la scolarité. Très peu d’écoles visitées utilisent entièrement ou partiellement des logiciels et autres applications paramétrées pour gérer les notes des élèves, gérer les emplois de temps et les chargés de cours, tenir des services statistiques comme le reporting des volumes horaires annuels de charge et d’exécution, par exemple.

Les enjeux énergétiques

Dans la région de Conakry, une (1) école sur quatre (4), soit 25% des écoles, a un dispositif d’approvisionnement en énergie électrique stable. Par ailleurs, dans la région de Kankan, on note un environnement pratiquement défavorable à l’usage des TICE : le dispositif d’approvisionnement en courant électrique y est absent. Dans certains établissements, ce dispositif existe, mais est généralement dans un état vieillissant et/ou non fonctionnel.

La plupart des établissements scolaires guinéens sont approvisionnés par Électricité de Guinée (EDG) dont le courant est irrégulier. Ce manque d’autonomie en courant électrique constitue un facteur peu favorable à l’intégration effective des TIC au sein des écoles. L’absence ou le retard d’un investissement dans la construction d’un environnement énergétique favorable aux TICE, corrobore l’idée selon laquelle ces technologies ne semblent pas représenter une priorité pour les autorités éducatives.

Les établissements publics disposent plus de salles informatiques que ceux du privé, soit 38,75% des élèves du privé qui déclarent que leurs écoles disposent des salles informatiques, contre 43,14% de ceux du public qui ont le même avis

On note que trois (3) établissements publics sur cinq (5) sont approvisionnés en courant électrique, contre une (1) sur trois (3) pour les établissements privés ; sauf que les écoles publiques utilisent (presque) toutes, les seuls services d’EDG dont le courant est généralement instable. Tandis que, dans les établissements privés, une école sur trois (3) dispose d’une source d’énergie propre, stable et fiable. Ce qui signifie que les écoles privées sont plus autonomes, en termes d’énergie électrique que celles du public.

Accès aux équipements/terminaux

L’accès aux équipements/terminaux est un véritable problème qui se pose dans les établissements scolaires. Ces équipements ne sont généralement utilisés que dans l’administration et ne semblent pas être une priorité dans la formation des élèves et des enseignants. Les établissements publics disposent plus de salles informatiques que ceux du privé, soit 38,75% des élèves du privé qui déclarent que leurs écoles disposent des salles informatiques, contre 43,14% de ceux du public qui ont le même avis. Selon ces élèves, seulement 37,25% de ces salles existantes du privé et 48,14% de celles du public sont fonctionnelles.

L’accès à la connectivité/internet

Dans le cadre de l’enseignement/apprentissage, il y a absence d’une offre publique de connexion internet dans les établissements/écoles pour les élèves et enseignants. Cette offre existe à faible niveau dans quelques écoles où elle est réservée uniquement aux responsables administratifs: une (1) école sur 20 utilise la connexion dans l’administration scolaire et dispose d’un site internet qui pourrait être mobilisé pour prendre en charge les élèves et enseignants. Une telle école pourrait être un exemple pour d’autres établissements.

Recommandations envers le MENA

Au vu des éléments de faiblesse et de défis à relever, les points de recommandation suivants sont formulés :

  • Instruire l’Institut National de Recherche et d’Action Pédagogique (INRAP) en charge des curricula au MENA de procéder à une révision curriculaire tenant compte du digital éducatif ;
  • encourager, voire instruire, les enseignants et les élèves à pouvoir se servir de leurs smartphones et autres terminaux personnels en classe pour renforcer leur enseignement par de l’information et de l’illustration tirées de sources multimédia, à visualiser en classe
  • introduire dans la formation initiale (formation des enseignants du primaire et du secondaire général) et dans la formation continue des modules de renforcement en capacité à se servir des TICE comme atouts dans la relation d’enseignement/ap prentissage, dans la recherche, le traitement et le réinvestissement de l’information scientifique et pédagogique ;
  • former une masse critique d’enseignants de l’élémentaire et du secondaire en poste aux outils et à la pédagogie multimédia ;
  • former les gestionnaire d’établissement à l’outil et au service numériques pour la communication institutionnelle et la gestion des ressources et des dispositifs scolaires ;
  • autoriser l’usage dans la relation enseignement apprentissage et la relation de communication institutionnelle ;
  • circonscrire les situations dans lesquelles il convient d’interdire ou restreindre l’usage des TICE (en situation d’évaluation des apprentissages)
  • cartographier les situation de pénurie d’énergie dans les écoles en distinguant les niveaux (absence de source, absence de réseau, absence de raccordement à un réseau existant, défaut d’installation locale d’infrastructures, état de disponibilité de ressources financières, etc.) ;
  • identifier et constituer une banque de données sur les opportunités d’un accès soutenable à l’énergie en milieu éducatif ;
  • encourager les structures déconcentrées et les établissements scolaires à explorer à la base la possibilité de mettre en place des micro-projets énergie scolaire à partir de partenariats école environnement socioéconomique ;
  • proposer au gouvernement un programme d’électrification d’écoles rurales par des sources d’énergie durables et propres (le solaire) ;
  • négocier un partenariat public-privé avec des industries de production et de distribution de terminaux d’accès aux TICE (ordinateurs, tablettes, smartphones, etc.) ;
  • demander auprès du gouvernement des facilités fiscales sur l’accès éducatif aux équipements et services TICE ;
  • soumettre au gouvernement une stratégie d’accès social (moindre coût) à une connectivité de qualité pour la pédagogie, la recherche, la gestion de l’éducation pour tous (accès universel) ;
  • développer des stratégies d’accès aux ressources éducatives libres via des technologies digitales hors connexion (malette à tablettes rechargeables et générant de réseau Wi-Fi ).

Recommandations envers les dirigeants d’écoles

  • Organiser régulièrement des espaces interactifs d’information et de sensibilisation sur la complexité des TIC, les rôles et les responsabilités des usagers ;
  • encourager et accompagner les enseignants à se servir de leurs propres équipements (s’il y a lieu) dans la relation pédagogique avec leurs élèves (activités en classe et hors-classe) ;
  • (re)mettre en état les espaces technologiques de formation en TICE de l’école, là où ils existent ;
  • (re)dynamiser les unités de gestion et les comités de coordination des salles IPCE et autres espaces TICE de l’école ;
  • mutualiser l’accès aux espaces TIC existants des écoles par une organisation et un mécanisme appropriés les rendant accessibles à d’autres établissements de la localité ;
  • élaborer un répertoire de disponibilité de terminaux TIC personnels auprès des personnels de l’école et, le cas échéant, des élèves susceptibles de servir d’équipement de formation en TIC pour ces acteurs ;
  • élaborer avec l’unité de gestion des espaces informatiques de l’école et/ou d’autres partenaires de l’école des plans de formation et en assurer leur déploiement ;
  • identifier et démarcher des partenaires potentiels de l’école dans le but de bénéficier d’appuis dans la formation et l’accès à l’offre TICE ;
  • encourager et accompagner les acteurs de l’école (équipe de direction, personnels de soutien, enseignants, élèves) à fréquenter les cyberespaces des écoles et de l’environnement de l’école ;

Recommandations envers les enseignants

  • S’ouvrir aux innovations technologiques et méthodologiques dans son rapport aux savoirs (relation didactique) et dans son rapport aux apprenants (relation pédagogique) ;
  • se former à l’usage des outils, applications et services de TIC pour l’enseignement et l’apprentissage (autoformation) ;
  • s’inscrire dans la synergie d’actions comme acteur principal impliqué dans les projets et programmes du MENA sur le sujet (“ImaginÉcole”, IFADEM, FSPI, ProDEG, Formation continue, etc.) ;
  • s’appuyer sur le potentiel technologique de sa classe, de son école et de son environnement sociétal local pour innover dans sa façon d’enseigner ;
  • intégrer l’approche ludique dans ses stratégies d’enseignement et d’évaluation formative des élèves ;

en concertation avec sa classe, identifier, mettre en œuvre et évaluer des activités de formation de type collaboratif et coopératif conçues sur la base d’une pédagogie active multimedia.

 

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