Enquête nationale sur l’emploi et secteur informel en Guinée (ENESIG-2018/2019), Institut National de la Statistique, Janvier 2020

Enquête nationale sur l’emploi et secteur informel en Guinée (ENESIG-2018/2019), Institut National de la Statistique, Janvier 2020

Auteur : Institut National de la Statistique de la République de Guinée

Type de publication : Rapport

Date de publication : Janvier 2020

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Présentation de la Guinée

Dans le cadre de la politique de l’emploi en Guinée, il a été observé que depuis l’accession de la troisième République des changements socio-économique, institutionnel et légal sont survenus. Mais, malgré les efforts des pouvoirs publics, les politiques de financement de l’économie ont été jugées insuffisantes alors que persistent des distorsions sur le marché des facteurs entraînant un ralentissement de l’activité économique. La non maitrise du secteur informel est l’un des défis majeur pour le Gouvernement pour assurer une croissance harmonieuse et équilibrée.

L’inefficacité des institutions publiques, la lourdeur des procédures administratives et une défiance généralisée à l’égard de l’État, sont autant de facteurs qui encouragent la création d’un marché en dehors des structures formelles du pays. Malgré quelques reformes, on présumait que ces facteurs et donc l’emploi informel seraient balayés. Mais, la réalité actuelle est bien différente. L’informalité tend à devenir la norme en Guinée.

Cette enquête vise à répondre à des questions précises sur le rôle du secteur informel dans l’économie, ainsi que sur sa contribution réelle et potentielle à l’amélioration des conditions de vie des populations. À titre d’exemple, la création d’institutions de microfinance vise à aider les plus défavorisés, en encourageant le développement des micros et petites entreprises.

L’inefficacité des institutions publiques, la lourdeur des procédures administratives et une défiance généralisée à l’égard de l’État, sont autant de facteurs qui encouragent la création d’un marché en dehors des structures formelles du pays

Cependant, nous devons nous demander à qui profitent ces systèmes, et quel est leur impact ? D’autre part, étant donné le peu de possibilités d’emploi dans le secteur formel, l’encouragement des activités informelles constitue- t-il une solution viable pour promouvoir une dynamique de croissance ? Pour répondre à ces questions, nous devons comprendre clairement le circuit économique dans lequel s’insère le secteur informel, par l’analyse de l’évolution de sa structure et de sa production, l’origine de ses consommations intermédiaires, les capitaux, l’investissement, le financement et la demande à laquelle il répond.

Proportion emploi informel

Dans la plupart des cas, les travailleurs dans le secteur informel contribuent fortement dans l’économie du pays. Cependant, il constitue un secteur dans lequel, les travailleurs ont un revenu de travail très bas, ils ne sont ni immatriculés à la caisse nationale de la sécurité sociale, ni bénéficiaires de congés payés et ne bénéficient d’aucune protection sociale. Est considérée comme emploi informel, toute activité économique légale qui échappe à la réglementation en vigueur du travail.

Selon la classe d’âges, ceux de 65 ans et plus constituent la plus grande proportion d’emplois informels (97,8%), suivis de ceux de 15-64 ans (95,5%) et ceux de 15-34 ans représentent 94,9% dans le secteur informel. La majorité des personnes en situation d’un emploi informel varie selon le milieu de résidence, 96,1% des personnes en emploi en milieu urbain exercent un emploi informel contre 95,3% en milieu rural. L’analyse par rapport à la région montre des disparités (avec un taux maximum de 98,3% à N’Zérékoré à un taux minimum de 86,5% à Labé. Selon le sexe, la proportion des hommes en emploi exerçant un emploi informel est presque identique à celle des femmes (95%).

Taux de chômage

Au niveau national le chômage est estimé à 4,8%. Ce niveau de chômage varie selon la région d’enquête, le milieu de résidence, le sexe et l’âge. Conakry (14,1%) enregistre le plus fort taux de chômage relativement aux autres régions administratives. Toutefois, en dehors de la capitale le niveau de cet indicateur est inférieur à la moyenne nationale dans toutes les autres régions. Il passe de 9,5% en milieu urbain à 2,2% en milieu rural où ce phénomène paraît marginal. Le chômage est donc un phénomène essentiellement urbain.

Le taux de chômage reste identique quel que soit le sexe (respectivement 4,8% chez les hommes et chez les femmes). En milieu urbain, le taux de chômage des hommes est largement supérieur à celui des femmes (respectivement 9,5% contre 2,2%).

Suivant le niveau d’instruction, nous constatons que le chômage frappe plus les personnes qui ont le niveau supérieur (34,5%), suivi de celles qui ont le niveau secondaire (6,9%). Le taux de chômage est plus faible chez des personnes qui n’ont aucun niveau et celles qui ont le niveau primaire et secondaire (respectivement 2,4% et 3,8%).

Caractéristiques des UPI

En Guinée, le nombre des unités de production informelles (UPI) est estimé à un peu plus de 1,8 millions sur l’ensemble du territoire national, dont près de la moitié (67,8%) se trouve en milieu urbain, 32,2% en milieu rural. Ces UPI sont dirigées à 50,7% par les hommes contre 49,3% par les femmes. les plus grandes proportions des promoteurs des UPI se trouvent dans les régions de Kankan (19,9%), Faranah (17,5%) et Conakry (15,9%). Les régions de Labé (5,7%), Kindia (6,3%) et Mamou (9,1%) quant à elles, enregistrent les plus faibles proportions de promoteurs d’UPI.

Secteur d’activité des UPI

Dans l’ensemble des promoteurs d’UPI interrogés, environ 59% évoluent dans les secteurs du commerce (dont 56,7% dans le commerce de détail et 2,2% dans le commerce de gros). Les proportions de ceux qui évoluent dans l’agro-alimentaire et autres industries représentent respectivement 12,3% et 7,1%. Les UPI évoluant dans la construction, dans la confection et dans le transport représentent respectivement 4% ; 5% et 6%. La branche de restauration reste minoritaire parmi les activités des promoteurs des UPI en Guinée (0,6%).

Local et motif de création de l’UPI

Le secteur informel est celui où la dynamique entrepreneuriale reste individuelle ou familiale. En effet, la majorité des locaux d’UPI appartiennent aux promoteurs qui la dirigent actuellement (61,9%), suivis de ceux qui sont en location (18,9%) et de ceux qui appartiennent aux promoteurs et d’autres personnes (12,7%). Les UPI appartenant aux services publics et autorisés par d’autres personnes pour l’utilisation du site reste minoritaires (respectivement 3,1% et 2,7%).

La principale raison avancée par les promoteurs est le désir d’indépendance (56,5%). Pour 29,4% de promoteurs, la création d’une unité de production Informelle naît de l’envie d’obtenir un meilleur revenu. Par contre, 7,8% des chefs d’UPI déclarent avoir décidé d’exploiter leur unité de production parce qu’ils n’ont pas pu trouver de travail salarié. Par ailleurs la tradition familiale, à travers la transmission d’un patrimoine ou d’une compétence technique justifie l’orientation professionnelle des chefs d’UPI dans 4,2% des cas, essentiellement dans la confection (10,1%) et les autres industries (7,6%).

Taille des UPI

Selon les résultats de cette enquête, la taille moyenne des unités de promoteurs d’UPI est de 1,4 personne. Il n’y a pas assez de différence entre les tailles des UPI des différentes régions. C’est dans les régions de Labé et Kankan que les UPI comptent plus de personnes (respectivement 1,5 personne en moyenne). Les unités de production informelles (UPI) sont constituées des emplois de petite taille. En effet, (78,3%) d’UPI sont unipersonnelles. Cette tendance des UPI unipersonnelles est plus élevée dans le secteur du commerce (87,0%) et des services (69,1%) que dans celui de l’industrie (64,4%).

La principale raison avancée par les promoteurs est le désir d’indépendance (56,5%). Pour 29,4% de promoteurs, la création d’une unité de production Informelle naît de l’envie d’obtenir un meilleur revenu

Cette situation s’explique par une disparité de la main-d’œuvre dans les différents secteurs d’activités. La taille moyenne des UPI est de 1,4 personne. Elle varie de (1,8) dans l’industrie, (1,1) dans le commerce et (1,6%) dans les services. Par ailleurs, cette taille ne varie pas selon le milieu de résidence. Selon le sexe, l’analyse montre que les UPI unipersonnelles est plus élevée chez femmes que chez les hommes (respectivement 90% contre 67%).

Origine et mode de financement du capital

Dans l’ensemble, 42,6% représentent la valeur du capital des équipements acquis auprès des petites entreprises privées commerciales ; 28,6% auprès des ménages et particuliers; 22,2% auprès des grandes entreprises privées commerciales; 3,4% du secteur public et 0,2% de l’importation directe.

L’analyse du mode de financement du capital des UPI montre qu’une part importante de leurs capitaux est financée par l’épargne propre (52,3%), le don/héritage (26,4%), les prêts de la part des amis/parents (12,8%), les tontines (4,2%) et la contribution des associations (1,0%). Quant aux systèmes bancaires (0,0%) et Institutions de micro-finances (0,1%) sont quasiment inexistants.

Investissement des UPI

Dans l’ensemble, les UPI ayant investi au cours des douze derniers mois précédant l’enquête, le montant moyen de l’investissement est de 1 791 596 GNF. Par ailleurs, des disparités importantes sont également observées selon le milieu de résidence, le secteur et la branche d’activité. Le montant moyen des investissements par UPI dans la région de Boké (3 273 520 GNF) est trois fois plus élevé que celui de la région de Faranah (755 076 GNF). Les UPI en milieu urbain contribuent à hauteur de (63,2%) du montant global des investissements contre (36,8%) en milieu rural. Suivant le secteur d’activité, (47,0%) des investissements proviennent des UPI du secteur de l’industrie et (37,5%) du secteur de commerce. Seulement 15,4% du secteur des services.

Structure du chiffre d’affaires, de la production et de la valeur ajoutée

L’analyse de la distribution des UPI suivant le montant de la valeur ajoutée selon les régions administrations montre que, les UPI des régions de Kankan et de N’Zérékoré ont eu, dans l’ensemble, les plus fortes parts de la valeur ajoutée annuelle durant l’année 2018 (respectivement 25,5% et 25,7%).

Elles sont suivies par des UPI des régions de Conakry (17%), de Faranah (11,5%) et de Boké (7,4%). Les plus faibles parts de la valeur ajoutée annuelle ont été enregistrées dans les UPI des régions de Mamou (3,9%), Kindia (4,2%) et Labé (4,6%).

L’analyse de la distribution des UPI suivant le montant de la valeur ajoutée selon les régions administrations montre que, les UPI des régions de Kankan et de N’Zérékoré ont eu, dans l’ensemble, les plus fortes parts de la valeur ajoutée annuelle durant l’année 2018

La valeur ajoutée qui se définit comme la différence entre la production et la consommation intermédiaire permet de mieux apprécier la contribution de ce secteur à l’économie en termes de création de richesse. Le secteur du commerce cumule 49,1% de la valeur ajoutée, l’industrie 35,7% et les services 15,2%

Raisons de non enregistrement

Les raisons de non enregistrement, d’après les promoteurs des UPI sont principalement liées à la complexité des démarches (39,9%), à la corruption (27,2%), à la lenteur administrative (21,4%) et aux couts élevés (11,5%). L’analyse selon la région administrative montre que la principale raison de non enregistrement des UPI des régions de Kankan, Faranah et Labé est la complexité des démarches (respectivement 100%, 86,9% et 74%). Par contre, dans les régions de Conakry et de Nzérékoré, c’est la lenteur administrative (respectivement 51% et 35%). Dans les régions de Kindia et de Boké, c’est les coûts trop élevés qui découragent les chefs des UPI de se faire enregistrer (respectivement 100% et 40%). 

Conclusion et recommendation

Le marché du travail se caractérise par un faible niveau du chômage (seulement 4,8%) qui cache des réalités plus alarmantes caractérisées par forts taux de sous-utilisation de la main-d’œuvre, notamment en ce qui concerne la main-d’œuvre potentielle composée de toutes ces personnes en âge de travailler qui ont certes le désir de travailler, mais pour diverses raisons, sont hors de la main d’œuvre mais peuvent y retourner à n’importe quel moment, pourvu que certaines conditions, liées pour la plupart aux caractéristiques du marché du travail changent. Mais du fait que toutes les personnes en âge de travailler ne peuvent se soustraire du marché du travail, les vrais problèmes du marché du travail sont plus observés dans la population en emploi : une quasi-totalité des emplois qui est informelle, faible rémunération liée à l’emploi, forte proportion d’emplois vulnérables, etc.

Les raisons de non enregistrement, d’après les promoteurs des UPI sont principalement liées à la complexité des démarches (39,9%), à la corruption (27,2%), à la lenteur administrative (21,4%) et aux couts élevés (11,5%)

En ce qui concerne la transition de l’emploi informel vers l’emploi formel, il s’agit de la déclaration des travailleurs à la sécurité sociale, le bénéfice à des congés annuels et maladie payés. Cela concerne aussi bien les travailleurs des entreprises formelles que celles des entreprises informelles. Pour cela, étant donné que des employeurs se soustraient délibérément des déclarations, pour ce que cela leur coûte, il est important d’échanger avec les acteurs et d’identifier toutes les mesures pouvant les inciter à y adhérer.

Pour ce qui est de la transition du secteur informel vers le secteur formel, il y a les critères d’absence déclaration à la fiscalité et de tenue de comptabilité qui les caractérisent. Ainsi, d’aucuns pourraient penser que la solution est de recenser toutes les unités de production informelles, de les déclarer aux impôts et les amener à tenir une comptabilité moderne.

Cependant, il semble plus pertinent d’envisager d’abord les conditions de leur développement avant ou parallèlement à la déclaration. Pour cela, il est essentiel d’identifier les obstacles au développement des unités de production informelles. De l’analyse des données de l’enquête sur le secteur informel, les obstacles suivants peuvent être relevés en ce qui concerne le développement des unités de production informelles :

  • Le faible niveau de compétences des acteurs, aussi bien les chefs d’unités de production que la main-d’œuvre (tenue de comptabilité, marketing, compétences techniques),
  • Le faible niveau du capital et de l’investissement des unités de production, lié à un faible accès au crédit,
  • L’accès à l’information pour lequel ils sollicitent une aide,
  • Les difficultés d’approvisionnement pour lesquelles ils sollicitent également une aide.

Aussi, s’avère-t-il nécessaire, en vue de permettre un développement des unités de production informelles à l’effet de permettre leur transition vers le secteur formel, de leur apporter un appui dans ces domaines. Il s’agit notamment de renforcement de capacités portant sur la comptabilité des entreprises, le marketing, les compétences techniques des employés, l’accès à l’information sur le marché, les stratégies d’approvisionnement en fonction du secteur d’activité.

Il s’agit aussi surtout de favoriser l’accès au crédit, à travers entre autres, le développement de la micro finance, adaptée au financement des petites activités. On peut mettre aussi en place un fonds de garantie en faveur des acteurs de ce secteur, lequel leur permettrait d’accéder plus facilement au crédit bancaire, avec un mécanisme adapté.

 

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