Guinée, des morts invisibles symptômes d’une culture d’impunité, Amnesty international, Mars 2021

Guinée, des morts invisibles symptômes d’une culture d’impunité, Amnesty international, Mars 2021

Auteur : Amnesty international 

Site de publication : Amnesty 

Type de publication Article    

Date de publication : Mars 2021

Lien vers le document original

 

*Les Wathinotes sont des extraits de publications choisies par WATHI et conformes aux documents originaux. Les rapports utilisés pour l’élaboration des Wathinotes sont sélectionnés par WATHI compte tenu de leur pertinence par rapport au contexte du pays. Toutes les Wathinotes renvoient aux publications originales et intégrales qui ne sont pas hébergées par le site de WATHI, et sont destinées à promouvoir la lecture de ces documents, fruit du travail de recherche d’universitaires et d’experts.

 

L’année 2020 a été particulièrement meurtrière en Guinée. Dans un rapport publié avant l’élection présidentielle 2020, Amnesty international documente la mort d’au moins 50 personnes tuées entre octobre 2019 et juillet 2020 lors de marches contre le changement de Constitution impulsé et réalisé par le pouvoir actuel, et lors de protestations contre le manque d’électricité ou la gestion des barrages sanitaires mis en place pour lutter contre la pandémie de Covid-19.

Peu après l’élection présidentielle contestée du 18 octobre 2020, des récits de témoins, des images satellites et des vidéos authentifiées et analysées confirment que les forces de défense et de sécurité guinéennes ont tiré à balles réelles sur la population dans leur effort de répression des manifestations et émeutes qui ont eu lieu avant, pendant et après le scrutin.

Au moins 16 personnes ont été abattues entre le 18 et le 24 octobre 2020, selon un décompte effectué par Amnesty International. Cependant, selon les autorités judiciaires, 20 cadavres ont été remis au service de médecine légale de l’hôpital Ignace Deen de Conakry « pour autopsie », à la suite des violences post-électorales. Alors que l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG, un parti d’opposition), considère qu’il y a eu 46 « victimes d’assassinats ciblés » entre le 19 octobre et le 3 novembre 2020.

Justice pour les victimes des violences policières en Guinée

Les violences policières ont causé la mort d’au moins 66 personnes en Guinée avant, pendant et après l’élection présidentielle d’Octobre 2020. Les familles des victimes, malgré les risques encourus, ont décidé de raconter les histoires de leurs proches tués par ceux censés les protéger. Elles demandent que la vérité soit établie et que justice soit rendue.

Le 14 octobre 2019, Mamadou Karfa Diallo, 20 ans, et son cousin Thierno Sadou Bah, 18 ans participent à une manifestation derrière leur maison. Ils se trouvent devant un barrage de fortune dressé par des jeunes du quartier.  Mamadou se filme avec son téléphone alors que des coups de feu sont tirés par les forces de sécurité. Quelques minutes plus tard, Mamadou reçoit une balle dans le dos. Son cousin, Thierno vient à son secours et reçoit à son tour une balle au niveau de la hanche. Ils meurent tous les deux sur place.

Beaucoup d’autres jeunes sont morts, tués par balle, par les forces de sécurité en Guinée depuis octobre 2019. Dans plusieurs cas, les hôpitaux publics ont refusé d’accueillir les corps des victimes empêchant ainsi la réalisation d’autopsies. Sans autopsie, il est difficile d’élucider les circonstances de ces décès et d’obtenir des poursuites judiciaires. 

L’impunité dont bénéficient les forces de défense et de sécurité guinéennes doit cesser. Les autorités guinéennes doivent prendre des actions efficaces pour garantir la justice et faire cesser les exactions policières et ce à tous les niveaux.

Une persistante culture d’impunité dont jouie les forces de défense et de sécurité

Du Président Ahmed Sékou Touré au Président Alpha Condé, de graves violations des droits humains ont été commises en toute impunité.

Durant les 26 ans sous le régime d’Ahmed Sékou Touré, des vagues d’arrestations et d’exécutions d’opposants ont rythmées la vie politique en Guinée. À ce jour, les victimes n’ont reçu aucune justice. Entre janvier et février 2007, 135 manifestants ont été abattus par les forces de défense et de sécurité lors d’une grève générale demandant la démission du Président Lansana Conté. En 2012, une information judiciaire est ouverte et les victimes attendent toujours justice.

Depuis l’élection du Président Alpha Condé en 2010, près de 200 personnes ont été tuées dans des manifestations. Le seul procès connu portant sur la mort d’un manifestant est celui d’un capitaine de police déclaré coupable et condamné en février 2019 à 10 ans d’emprisonnement pour avoir tué Thierno Hamidou Diallo, lors d’une marche de l’opposition en août 2016. Autrement, l’impunité dont jouie les forces de défense et sécurité a été maintenue jusqu’à ce jour. Les familles de récentes victimes de l’usage de force létale par la police désespèrent de voir la justice rendue.

 

Commenter