La Guinée peut-elle éradiquer les coups d’État de sa culture politique ?, ISS Africa, Septembre 2021

La Guinée peut-elle éradiquer les coups d’État de sa culture politique ?, ISS Africa, Septembre 2021

Auteur : David Zounmenou

Organisation affiliée : Institute for Security Studies (ISS) Africa

Site de publication : issafrica.org

Type de publication : Article

Date de publication : 24 Septembre 2021

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*Les Wathinotes sont des extraits de publications choisies par WATHI et conformes aux documents originaux. Les rapports utilisés pour l’élaboration des Wathinotes sont sélectionnés par WATHI compte tenu de leur pertinence par rapport au contexte du pays. Toutes les Wathinotes renvoient aux publications originales et intégrales qui ne sont pas hébergées par le site de WATHI, et sont destinées à promouvoir la lecture de ces documents, fruit du travail de recherche d’universitaires et d’experts.

 

Le 5 septembre 2021 au matin, les Guinéens ont appris la nouvelle d’un coup d’État militaire mené contre le président Alpha Condé. Ce coup d’État met fin au troisième mandat contesté de Condé, âgé de 82 ans, qu’il avait remporté après qu’une modification de la Constitution du pays lui a permis de se présenter aux élections d’octobre 2020. Ses manœuvres constitutionnelles ont provoqué des manifestations, au cours desquelles environ 400 personnes ont été arrêtées.

Cette absence de responsabilité constitue un frein majeur à la transition de la Guinée vers la démocratie et la stabilité. Pour éliminer les coups d’État de la culture politique du pays, ses dirigeants doivent promouvoir et faire respecter la justice et mettre fin à l’impunité de manière systématique.

Les expériences des différents régimes militaires depuis les années 2000 montrent qu’à quelques exceptions près, les insurrections ne sont plus organisées par des généraux. La plupart des meneurs de coups d’État récents sont issus des échelons militaires subalternes ; il s’agit principalement de capitaines et parfois de colonels. Cela met en évidence la vulnérabilité, voire le manque de cohésion, de l’appareil de sécurité national.

C’est la troisième fois que l’armée interfère dans la politique nationale de la Guinée depuis l’indépendance du pays en 1958. Le coup d’État en Guinée semble avoir reçu l’aval de la majorité des citoyens en raison de la mauvaise gouvernance et de la répression de Condé, ainsi que de la pauvreté généralisée qui prévaut dans le pays. Les réponses apportées aux niveaux national, régional et continental aux principaux défis de gouvernance de la Guinée se sont révélées inefficaces.

Paradoxalement, alors qu’il était en fonction, Condé ne s’est pas rendu compte qu’il s’était rendu vulnérable en affaiblissant les systèmes d’équilibre des pouvoirs et en ayant recours à l’armée plutôt qu’à la légitimité fondée sur l’adhésion des citoyens pour se maintenir au pouvoir. En effet, en modifiant la Constitution pour l’autoriser à briguer un troisième mandat présidentiel et en attisant les tensions entre les communautés, Condé a préparé le terrain pour des troubles politiques.

La Guinée se trouve maintenant confrontée au défi colossal de planifier une nouvelle transition. Il s’agira de sa cinquième tentative depuis 1984 d’adopter un véritable régime démocratique.

Le processus de transition doit être mené par le peuple guinéen. Les acteurs sociaux et politiques doivent jouer un rôle dans l’évaluation des causes de l’instabilité et dans la conception d’un nouveau pacte politique qui puisse résister à de futures manipulations.

Alors que la société civile et les représentants politiques se réunissent pour planifier la transition, il convient de s’intéresser davantage au renforcement des institutions et au respect de l’état de droit, plutôt qu’au concept superficiel de gouvernement d’unité nationale.

Le processus de transition doit être mené par le peuple guinéen. Les acteurs sociaux et politiques doivent jouer un rôle dans l’évaluation des causes de l’instabilité et dans la conception d’un nouveau pacte politique qui puisse résister à de futures manipulations

Contrairement au sentiment populaire, la récente succession de coups d’État en Afrique centrale et de l’Ouest (deux au Mali en moins d’un an, puis au Tchad et maintenant en Guinée) ne devrait pas soulever de questions quant à l’applicabilité de la démocratie en Afrique. Le problème découle plutôt de la défaillance de systèmes de gouvernance corrompus, du manque de responsabilité et de décennies de médiocrité dans la prestation de services.

L’UA et d’autres forums politiques ont largement mis en évidence les conditions qui légitiment ces processus. Il s’agit notamment de dirigeants autoritaires, d’un pouvoir constitutionnel inefficace et de l’ingérence de l’armée dans les affaires de l’État. L’UA et les Communautés économiques régionales doivent se pencher en priorité sur comment traiter les cas de conservation inconstitutionnelle du pouvoir dans leurs États membres. Pour éliminer les coups d’État de la culture politique d’un pays, il faut commencer par condamner et sanctionner ouvertement les dirigeants qui abusent de leur pouvoir.

 

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