Perceptions paysannes de l’évolution du climat dans le Parc National de Haut Niger en Guinée : tendances des paramètres climatiques et impacts sur les ressources naturelles, International Journal of Innovation and Scientific Research, 02 mai 2020

Perceptions paysannes de l’évolution du climat dans le Parc National de Haut Niger en Guinée : tendances des paramètres climatiques et impacts sur les ressources naturelles, International Journal of Innovation and Scientific Research, 02 mai 2020

Auteurs : Samuel Yonkeu, Sidiki Camara et Martin Yelkouni

Organisation affiliée : International Journal of Innovation and Scientific Research,

Type de publication : Enquête

Date de publication :  02 Mai 2020

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Introduction

La gamme de variabilité climatique, allant de l’échelle intra-saisonnière (supérieure à 10 jours) aux échelles décennales et pluri-décennale, impacte les écosystèmes et les activités humaines, particulièrement sur le continent africain où la dépendance des sociétés aux aléas naturels, en premier lieu pluviométriques, est la plus forte. L’Afrique subsaharienne est particulièrement sensible à la variabilité climatique à cause de la fragilité des écosystèmes.

De plus, le développement humain est mis à mal par le changement climatique qui exerce des pressions sur les systèmes alimentaires et les moyens d’existence ruraux partout dans le monde, et en particulier dans les pays en développement. Les populations africaines sont particulièrement exposées aux effets néfastes de la variabilité et des changements climatiques. Cette situation découle du fait de leurs capacités d’adaptation limitées et leur grande dépendance des ressources à forte sensibilité climatique, telles que les systèmes de production agricoles et les ressources en eau.

La perception paysanne du changement climatique est influencée par un certain nombre de facteurs: les observations empiriques du raccourcissement de la longueur de la saison de pluie, le décalage de la période de pluie utile pour le semis, la diminution de la quantité de pluie, les pertes de récolte ou la dégradation des sols, le recul de la forêt au profit de la savane arbustive et des sols dénudés et endurés sous le double phénomène de la sécheresse et de la déforestation pour l’augmentation des surfaces emblavées

La Guinée est l’un des pays les plus humides de la sous-région ouest-africaine. Mais, l’analyse des données pluviométriques, de 1960 à 2004, montre une baisse quasi constante de la pluviométrie à travers le pays, une perturbation du régime des précipitations et une hausse de la température moyenne. Ces tendances sont plus prononcées vers le Nord (la Moyenne et la Haute Guinée). La Guinée fait partie des 200 écorégions les plus riches en termes de biodiversité dans le monde. Elle regorge d’importantes espèces animales et végétales très variées, y compris endémiques.

La perception paysanne du changement climatique est influencée par un certain nombre de facteurs: les observations empiriques du raccourcissement de la longueur de la saison de pluie, le décalage de la période de pluie utile pour le semis, la diminution de la quantité de pluie, les pertes de récolte ou la dégradation des sols, le recul de la forêt au profit de la savane arbustive et des sols dénudés et endurés sous le double phénomène de la sécheresse et de la déforestation pour l’augmentation des surfaces emblavées.

Cependant, l’ensemble de ces facteurs n’est pas toujours présent dans les différentes zones climatiques.

Présentation du parc national du haut Niger (PNHN)

Le Parc National du Haut Niger (PNHN) est créé par décret D/97/011/PRG/SGG du 28 janvier 1997 et étendu à la même année par un arrêté du MAEF à la forêt classée de Kouya. Il couvre une superficie totale de 12 470 kilomètres carrés (km2) et une population estimée à 73 947 habitants soit une densité de 6 habitants par km2.

Il comprend deux secteurs : Mafou pour une superficie de 6470 kilomètres carrés et une population de 44 407 habitants et Kouya de 6000 kilomètres carrés (km2 ) avec une population de 739 525 habitants. Le PNHN est situé à Faranah (Haute Guinée) au confluant du fleuve Niger et la rivière Mafou et il est à 82 km du chef-lieu de la préfecture de Faranah et à 54 km de la Commune rurale de Beindou.

Analyse des risques climatiques à partir des données climatologiques

Les précipitations observées dans la station synoptique de Faranah sur la période de 1960 à 2013 ont été examinées pour confirmer ou infirmer la perception paysanne par rapport à l’évolution de la pluviométrie. A cet effet, l’indice d’anomalie relative a été appliqué, la moyenne de la normale 61-90 des cumuls de pluie a été calculée pour la comparer avec la moyenne 1991-2013. La pluviométrie a été privilégiée parce que l’eau est sans doute un des plus importants facteurs limitant dans les activités agricoles. En région tropicale, toutes les activités s’organisent autour de l’eau et sont dictées par l’alternance de la saison sèche et pluvieuse.

Perception paysanne sur la variation du cumul pluviométrique des mois de juin, juillet, août et septembre

Cette figure présente la perception de la population locale face à la variabilité de la pluviométrie. Selon les populations enquêtées, la répartition de la pluie n’est pas uniforme, elle est variable d’une année à une autre. Ainsi 97% de la population enquêtée (n= 150) ont affirmé que les pluies sont de plus en plus variables entre les années actuelles (les 10 dernières années) que le passé il y’a 30 ans.

Perception paysanne sur la date du début de l’hivernage passée et actuelle

Par rapport à la perception des populations sur la date de début de l’hivernage dans le passé (depuis 30 ans), la majorité des enquêtes soit 94% (N=150) affirment que l’hivernage commençait au mois de mai. Actuellement 65% des enquêtés confirment que l’hivernage débute généralement en mai, 34% l’indique au mois de juin et seulement 1% des enquêtés affirment que c’est le mois d’avril.

L’analyse de ces résultats montre que la saison des pluies débute en moyenne entre les mois de mai et juin. Le risque climatique identifié dans ce cas est la variabilité de la date du démarrage de la saison de pluie qui semble reculée dans le temps.

Détermination des tendances actuelles et futures du climat à partir des données de la pluviométrie observées depuis 1960 à la station synoptique de faranah

L’analyse tendancielle des cumuls pluviométriques annuels de la station synoptique de Faranah montre la variabilité interannuelle dans la série 1960-2013 et on relève une augmentation des cumuls pluviométriques. La pente de la tendance est de 2, 135 ; La moyenne de 61-90 est de 1545, 7mm et celle de 91-2013 est de 1638, 7mm soit une augmentation de 93 mm Cette augmentation n’est pas significative selon le Test de Petit.

Analyse des risques liés à la sécheresse

La sécheresse s’exprime par l’allongement du temps moyen entre deux événements pluvieux, traduisant ainsi le risque d’apparition d’une poche de sécheresse en plein cœur de la saison des pluies. La variabilité des séquences sèches, pendant les mois les plus pluvieux, illustrés par la figure 10, montre les tendances observées. Le mois de Mai montre une grande variabilité dans le temps avec une période relativement stable entre 1970-1984 et une séquence mouvementée avec une tendance à la hausse entre 1960-1969 et entre 1984 à 2013.

L’analyse de ces résultats montre que la saison des pluies débute en moyenne entre les mois de mai et juin. Le risque climatique identifié dans ce cas est la variabilité de la date du démarrage de la saison de pluie qui semble reculée dans le temps

Le mois de Juin a une tendance à la hausse entre 1960-1970 et une tendance relativement moins fluctuante bien que globalement orientée vers la baisse de sécheresse entre 1971-2013. Le mois de Juin est celui qui traduit le mieux l’instabilité tout au long de la séquence de 1960-2013 avec une tendance globale vers la baisse. On note une légère stabilité entre 1980-1998.

Description des risques et leurs conséquences sur les ressources naturelles par la matrice des impacts

Les changements climatiques ont donc ébranlé le milieu et les moyens de subsistance et les conditions de vie des producteurs de la zone d’étude. Pour y faire face, ces producteurs ont développé des mesures variées pour s’assurer un mieux-être et améliorer leurs conditions de vie. C’est ce que nous allons aborder dans la seconde communication. En somme, les cinq (5) communes de Beindou, Kourasambouya, Yèrèdou, Niako et Sidakoro en dépit des nombreuses potentialités agricoles qu’elles offrent ne sont pas exempts des effets néfastes des changements climatiques. Nos cinq villages d’enquêtes endurent fortement les impacts des effets néfastes qu’engendrent les péjorations climatiques actuelles sur le cadre de vie des populations.

Discussions

Les perceptions paysannes, bien que pas uniformes, indiquent une péjoration du régime des pluies. L’analyse de la pluviométrie indique la variabilité interannuelle et le changement climatique observé. On observe une tendance à la hausse de la pluviométrie, caractérisée par une grande fluctuation de 1994 à nos jours. 97 % (n= 150) des paysans enquêtés témoignent que la pluviométrie est de plus en plus variable.

Ce qui confirme les résultats obtenus par Salifou, car la tendance pluviométrique est à la hausse au cours de la période 1994-2013 ; ce qui est contraire aux conclusions faites par la Communication Nationale Initiale de la Guinée à la CCNUCC. Qui a constaté qu’il y a baisse des précipitations annuelles.

La sécheresse s’exprime par l’allongement du temps moyen entre deux événements pluvieux, traduisant ainsi le risque d’apparition d’une poche de sécheresse en plein cœur de la saison des pluies. La variabilité des séquences sèches, pendant les mois les plus pluvieux, illustrés par la figure 10, montre les tendances observées

Les projections de température à l’horizon 2025-2050 par les scénarii d’évolution (RCP 4.5, RCP 8.5) prédisent une augmentation moyenne des températures annuelles et similaires de l’ordre de 0, 5 °C en 2025 et de 1, 4 °C en 2050 pour le RCP8.5 beaucoup plus significative que le RCP4.5 qui montre une augmentation de 1 °C par rapport à la référence de 1990.

Ceux-ci sont en concordance avec les études réalisées dans la première communication nationale de la Guinée (qui mettent en exergue le fait que les scénarios de changements climatiques montrent sur le Sénégal, tout comme sur l’Afrique de l’Ouest une hausse de la température allant jusqu’à 3 °C (en 2031-2050) GIEC et une tendance à la hausse des précipitations en considérant des scenarii RCP4.5 et RCP8.5. Qui est contraire aux études réalisées dans le cadre d’élaboration du PANA-Guinée en 2007.

Conclusion

La perception des populations du changement climatique a permis d’identifier les risques climatiques et les impacts de ces risques qu’elles subissent. Les conséquences du climat sur une population pauvre en général qui vit essentiellement de ses ressources naturelles sont très importantes. Parmi ces effets, peuvent être citées : la baisse de rendements, la destruction des cultures, la modification du calendrier agricole, etc. L’analyse de la variabilité pluviométrique et des caractéristiques climatiques et agro climatiques vient confirmer la perception paysanne les différents risques climatiques de la zone.

 

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